vendredi 27 mai 2011

C'est la faute à Voltaire


Si un tel drame se préparait dans votre entourage, seriez-vous coupable de ne l'avoir pas vu venir?1

Un ancien psychiatre, dernièrement, sur les ondes d’une radio, affirmait qu’une femme adultère, son amant, ainsi que l’ex conjointe cocue de cet amant, étaient tous responsables du meurtre de deux enfants commis par l’ancien mari de la femme adultère.  Vous vous y retrouvez?
Plus clairement, Pierre Mailloux, psychiatre radié, affirmait que l’ancienne conjointe de Guy Turcotte, son nouveau chum ainsi que l’ex femme de ce dernier étaient aussi responsables de la mort des enfants.  Son opinion, appuyée sur pas grand-chose sinon l'assertion de son cru:  « Isabelle, elle le connait son fou ».  Nous, on connait le personnage Mailloux, alors on laisse passer.


Il est là le hic : Au-delà de son opinion farfelue quant à la responsabilité de quiconque a côtoyé le cardiologue, son propos est à l’effet que ces personnes sont « criminellement responsables», puisqu’il parle d’accusation de négligence criminelle.  Une idée saugrenue, mais suffisamment dérangeante pour que des gens se soient posé  –et m'aient posé- sérieusement la question : Pourraient-ils être accusés?
Mais non!  Accusés de quoi?  De complicité? De complot? De négligence criminelle?  De « non assistance à personne en danger? ».   Et si on dépatouillait un peu tout ce schmilblick.

La complicité
C’est un mode de participation à une infraction.  Le complice est celui qui « aide et encourage » l’auteur principal à commettre un acte criminel.  Le complice sera accusé de l’acte criminel commis, pas exemple un vol de dépanneur, pour avoir aidé l’auteur principal, ou pour l’avoir encouragé.  L’acte d’accusation n’a même pas à mentionner que le geste a été commis par le biais de la complicité.  Toujours avec l’exemple du vol de dépanneur, le complice qui fait le guet sera accusé de vol.  Comme pour tous les crimes, il faut un acte coupable, et un esprit coupable.  L’aide.  L’encouragement. Crier « lets go mon homme» en tapant des mains pendant que le commettant principal entre et prend la caisse.  Voilà ce qu’est la complicité.  On ne peut pas être complice par omission de dénoncer, ou par omission d’avoir deviné.  On ne peut même pas être complice pour avoir été présent sans rien faire2.

Le complot
Le complot est une entente en vue de commettre un acte criminel, et c’est un crime en soi.  Pas un mode de participation à un crime.  On peut donc commettre un complot, être accusé et trouvé coupable de complot même si le crime projeté n’a pas lieu.  Rien à voir, mais strictement rien à voir avec des humains qui n’ont pas vu venir un drame.

La négligence criminelle
La négligence criminelle n'est pas une simple affaire d’insouciance. La loi, c'est-à-dire le Code criminel, parle d’une « insouciance déréglée ou téméraire ».  Il faut, pour être coupable de négligence criminelle –dans ce cas-ci il s’agirait de négligence criminelle causant la mort – avoir fait preuve d’une telle témérité, d’une telle insouciance, que le comportement est moralement et criminellement répréhensible puisque que chacun est censé avoir prévu les conséquences de ses actes. 
Pour évaluer si le comportement a été déréglé, on se demande s’il s’agit d’un « écart marqué » par rapport à la conduite de la personne raisonnable.  Tout ça devant, évidemment, être prouvé hors de tout doute raisonnable.  Aucune espèce de probabilité que l’État poursuive les gens qui entourent Guy Turcotte de négligence criminelle.  Sinon, pourquoi pas sa vieille mère tant qu’à y être?

La non assistance à personne en danger.
La formulation est française.  C’est effectivement une infraction pénale dans de nombreux pays européens. 
Ici, il n’y a pas de responsabilité, ni criminelle ni pénale, à assister une personne dans le besoin.  Toutefois, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec prévoit une obligation civile de porter « secours à une personne dont la vie est en péril ».  On pourrait donc poursuivre au civil, en principe, une personne qui ne nous porte pas secours lorsque notre vie est en péril.  Dans les faits, je n’ai pas souvenir d’une telle poursuite.
Encore une fois, on est bien loin d’une quelconque responsabilité criminelle dans le cas de l'ex femme de Turcotte.  La Charte québécoise s’applique aux rapports entre les personnes, pas aux rapports entre l’État et les individus, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés.

Devoir tendant à la conservation de la vie
Très semblable au crime de négligence criminelle en ce qui a trait à l’élément moral, cette infraction est celle de ne pas avoir fourni au conjoint ou aux enfants « les choses nécessaires d’une personne à charge ».
Il s’agit ici de ne pas remplir une obligation légale, comme la fourniture de soin de santé pour un enfant malade, par le parent gardien.
Il est on ne peut plus évident que personne dans l’entourage de Guy Turcotte de peut être trouvé coupable de cette infraction eu égard aux enfants laissés auprès du père.
Comme dans le cas de la négligence, personne ne pourrait prouver, hors de tout doute raisonnable, que la mère des enfants, ou que l’ancienne femme de son nouvel amoureux, aurait pu prévoir qu’un tel drame allait avoir lieu.

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1.  Pastiche du sous-titre de l'émission « Un tueur si proche » au Canal D.
2.  L’arrêt de principe :  Dunlop et Sylvester, Cour suprême du Canada, 1979.


 

mardi 24 mai 2011

La culpabilité... et la peine.

cesare beccaria, 1764
On entend de tout... 
Une des pires grossièretés entendue, et ce de manière récurrente : « il va plaider des circonstances atténuantes et se faire acquitter ».
La question des circonstances atténuantes, ou aggravantes, se pose à l’étape de la détermination de la peine, et non à l’étape du procès.  La question des circonstances atténuantes, ou aggravantes, n’a donc strictement rien à voir avec la condamnation ou l’acquittement.
Bref survol des étapes du processus judiciaire en matière criminelle 
L’arrestation :
La personne est arrêtée, et alors soit elle signe une promesse de comparaître à une date ultérieure, soit elle est détenue jusqu’à sa comparution qui devrait avoir lieu de lendemain, ou le surlendemain.  À Montréal, il y a des comparutions de détenus les samedis.  En région il n’y en a pas.  Une personne arrêtée le vendredi soir, dans le pire des cas, comparaitra donc le lundi.
La comparution :
Amenée à la Cour, la personne comparait pour la première fois devant le juge.  On plaide alors non coupable (parce qu’on ne connait pas encore la preuve).   On réserve notre choix quant au mode de procès (juge seul, juge et jury).  Ce choix sera le plus souvent celui d’un procès devant juge et jury, quitte à ré-opter par la suite pour un procès devant juge seul.  S’il s’agit d’une accusation de meurtre (ou de piraterie, de mutinerie, de trahison ou de lèse-majesté!) il n’y a pas de choix : le procès devant  juge et jury s’impose, sauf dans de rares circonstances qui exigent le consentement de la poursuite.
L’enquête sur remise en liberté[1]
Si l’accusé est détenu, il a le droit de subir une enquête sur remise en liberté dans les trois jours de sa comparution.  Lui seul peut renoncer à ce délai.  Lorsque les accusations sont lourdes, et les chefs nombreux, ou lorsque la preuve est volumineuse, il est évident que l’avocat aura besoin de plus de temps pour préparer cette étape importante.
L’enquête sur remise en liberté ressemble à un mini procès lors duquel la Couronne explique sa preuve, en faisant témoigner ses principaux témoins, le plus souvent des policiers.  Les règles de preuve sont plus souples, et le ouï-dire est permis.
Au Canada, la liberté est la règle,
et la détention provisoire est l’exception.
Pour garder une personne détenue, le juge doit être convaincu que sa détention est nécessaire soit pour assurer sa présence devant la Cour aux prochaines dates, soit pour protéger le  public, soit pour ne pas miner la confiance du public envers le système du justice.
C’est donc dire qu’une personne qui n'est pas dangereuse et qui ne risque pas de s’esquiver peut être gardée détenue si le juge estime que sa remise en liberté choquerait le public.
L’enquête préliminaire
Si l’accusation a été prise par acte criminel, plutôt que par voie sommaire (selon les circonstances de l’affaire), l’accusé a droit à une enquête préliminaire.
Cette étape est importante, mais on a malheureusement tendance à remettre en question son existence ces dernières années.  Aussi, dans les affaires reliées au gangstérisme, la Couronne dépose de plus en plus souvent ce qu’on appelle un acte d’accusation privilégié qui escamote l’étape de l’enquête préliminaire.   De l’avis d’une avocate de la défense, cela ne devrait pas arriver aussi souvent.  L’absence d’enquête préliminaire implique un moins grand nombre de règlements avant procès.  Ça implique aussi des procès plus longs et plus couteux.
L’enquête préliminaire, c’est vraiment comme un mini-procès qui permet à l’accusé d’évaluer la preuve de la Couronne, d’en mesurer sa force.  Elle permet aussi à la Couronne de jauger de la qualité de sa propre preuve.
À la fin de la preuve de la Couronne à l’enquête préliminaire, l’accusé peut passer à l’étape de « l’examen volontaire ».  Il fait alors entendre lui-même des témoins, ou il s’applique simplement à contester la citation à procès.
Car c’est là l’enjeu essentiel de l’enquête préliminaire : le juge décide s’il y a une preuve suffisante pour que l’accusé soit cité à procès.  Le fardeau est très peu élevé.  Une simple preuve sensée permet au juge de citer l’accusé à procès.  Le juge peut aussi modifier le chef d’accusation.  Par exemple, si la Couronne a porté une accusation de meurtre au premier degré, le juge peut décider, devant une absence totale de preuve de préméditation et de propos délibéré, de plutôt renvoyer l’accusé à procès sur une accusation de meurtre au deuxième degré.
Le procès
                -La preuve à charge
À l’étape du procès, c’est le procès!  C'est ce qu'on voit dans les films.  La Couronne présente sa preuve.  Des témoins défilent.  Les témoignages sont de la preuve en soi.  On parle de preuve testimoniale.  Elle dépose aussi, souvent à l’aide du témoin pertinent, des preuves matérielles, expertises etc.
Tous ces éléments de preuve devront avoir été divulgués à l’accusé préalablement.  C’est le droit de l’accusé à une défense pleine et entière qui justifie cette nécessaire transparence.
Les témoins de la Couronne sont contre-interrogés par la défense.
                -La défense
Lorsque la preuve de la Couronne est close, l’accusé choisit de faire une preuve, ou de ne pas en faire, c’est à dire de présenter une défense ou pas.
Puisque le fardeau de la preuve repose sur les épaules du ministère public, il n’est parfois pas nécessaire de présenter une défense.  S’il parait clair que la Couronne n’a pas fait une preuve « hors de tout doute raisonnable », on peut ne pas faire de défense.  On plaidera alors que la preuve de la culpabilité n’a pas été faite.  L'acquittement est alors possible.
Lorsqu’on choisit de faire une défense, on fait entendre des témoins, ou encore on produit des contre-expertises.  On peut aussi faire témoigner l’accusé, qui sera bien sur contre-interrogé par la Couronne.  Il faut savoir que jamais la Couronne ne peut mettre en preuve des antécédents judicaires de l’accusé, sauf ci celui-ci témoigne.  En le contre-interrogeant sur son casier judiciaire, la Couronne ne peut toutefois pas faire une preuve de mauvaise réputation, ou de propension, ou d’actes similaire, sauf dans ces cas bien précis, après une décision de la Cour.
De nombreux moyens de défense sont offerts à l’accusé :  Alibi, contrainte, nécessité, légitime défense, troubles mentaux, provocation, erreur de fait, consentement, automatisme, intoxication volontaire, intoxication involontaire, j’en passe et j’en oublie.
Les moyens de défense ne sont pas des circonstances atténuantes, ce sont des manière de s'opposer à l'accusation portée.  Ils impliquent soit que l’acte du crime n’a pas pu être commis, soit que l’élément moral du crime est absent.  Les moyens de défense ont des conséquences sur la question de la culpabilité ou de l'innocence, ils peuvent amener un acquittement, ils peuvent diminuer la responsabilité et donc amener une condamnation sur un crime moindre, ils peuvent aussi amener une déclaration de non responsabilité pour cause de troubles mentaux.
C’est à la fin du procès que l’accusé sera déclaré coupable, ou acquitté.
Rappelons-nous qu’à toutes les étapes du processus, l’accusé peut lui-même plaider coupable à l’accusation telle que porter, ou à une accusation moins grave, en fonction d’une entente intervenue entre lui et le ministère public.
La détermination de la peine
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :
a) dénoncer le comportement illégal;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Article 718 du Code criminel canadien

Nous y voilà!  C’est à cette étape que le juge (ou les avocats qui essaient de s’entendre sur une sentence à proposer conjointement au juge) considérera les facteurs atténuants, et les facteurs aggravants.

François Dadour, avocat
La détermination de la peine, que j'ai du mal à qualifier d'art ou de science, est un exercice à la fois mathématique, et humain.  À la fois objectif, et subjectif. 
C'est que la sentence doit seoir comme un gant au condamné, tout en respectant des principes généraux plus objectifs.  Tout doit être pris en considération, comme la jurisprudence en semblable matière, la gravité intrinsèque du crime,  mais aussi des facteurs plus subjectifs comme le jeune âge de l’accusé (ou au contraire son âge avancé), ses remords, les répercussions qu'il a subi par le seul fait des procédures judiciaire, son plaidoyer de culpabilité, ses obligations familiales, ses antécédents judiciaires,  les conséquences sur la victime, l’âge des victimes, le niveau de violence lors de la commission du crime, les chances de réhabilitation etc.  Il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte pour décider de la peine à imposer, que ces facteurs soient aggravants ou atténuants.

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :
ala peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant :
(i) que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique ou l’orientation sexuelle,
(ii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement de son époux ou conjoint de fait,
(ii.1) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans,
(iii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard,
(iv) que l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle;
(v) que l’infraction perpétrée par le délinquant est une infraction de terrorisme;
b) l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;
c) l’obligation d’éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives;
d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;
e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.
Article 718.2 du Code criminel canadien

Tout comme à l'étape du procès, on peut faire entendre des témoins "sur sentence".  Souvent, un rapport pré-sentenciel aura été confectionné à la demande de la Cour, le plus souvent par un criminologue.  Ce rapport pourra aider le juge à voir plus clair quant au type de délinquant à qui il a afffaire.

Il en va de la liberté de l'individu, bien souvent.


[1] On dit aussi “enquête caution”, “enquête sur cautionnement ».  Bail Hearing.


samedi 21 mai 2011

Les menottes

Billet sans grand intérêt


Guy Lafleur

Oui, au Canada aussi, s’il avait comparu détenu, Dominique Strauss-Kahn aurait été menotté  à son arrivée dans la salle d’audience.  Oui, il aurait comparu menotté, dans le box des accusés, avec tous les autres menottés.  La différence c’est qu’il n’y aurait pas eu de caméra pour le montrer. À l’intérieur de la salle, j’entends.

Nicolo Rizzuto
Les gens qui arrivent au palais de justice sans menottes sont ceux qui comparaissent en n'étant pas détenus, ceux qui sont mis en état d’arrestation et qui signent une promesse de comparaitre.  Ils arrivent au palais de justice par la porte des quidams, et s’ils sont des vedettes, ils ont une escorte plus importante pour les protéger des touristes et autres paparazzi.
Quand l’accusé est détenu, il est menotté, et si son procès s’avère long, on peut demander qu’il soit démenotté.  Il faut bien qu’il puisse prendre des notes.  Et si le juge et les constables spéciaux jugent qu’il y a un danger pour la sécurité du public, il sera sans doute démenotté, mais peut-être avec des menottes aux pieds qu'on ne verra pas.
Voilà pour les menottes au Palais.
Les menottes n’ont pas de règles.  Les policiers et les constables spéciaux des palais de justice décident qui et quand menotter selon la dangerosité présumée.  C’est tout.  Entre l’arrestation et le transport au poste de police, puis du poste de police au palais de justice, l’accusé est souvent menotté, parfois il ne l’est pas.   Choix des policiers.

Il m’est arrivé dernièrement, en parlant au téléphone à un policier qui s’apprêtait à aller arrêter un client chez-lui, de lui demander de ne pas l’appeler avec le porte-voix et de ne pas le menotter devant les voisins.  Ils ont accepté de ne pas utiliser le porte-voix, mais ils l’ont menotté, discrètement.  Leur choix.  Je n’allais pas en faire tout un plat, même si ça me tombe sur les nerfs.
Jean-François Harrisson




Dave Hilton


M’est avis que Jean-François Harrisson est menotté sur  cette photo.  Pourquoi?  Risque d’esquive.  En temps normal, ce n’est probablement pas le genre de prévenu que les policiers auraient choisi d’attacher.  M’est avis que Dave Hilton est menotté aussi, tout comme Nicolo Rizzuto.  Guy Lafleur ne l’est clairement pas:  il était en liberté.  Les autres non*.

S’il est vrai que les menottes ne sont certainement pas symboliquement les meilleures défenderesses de la présomption d’innocence, quid des dessins des accusés dans le box?  On n’a pas le droit, en France, de montrer des images de prévenus menottés, mais on peut (comme ici au Canada où il n'y a pas non plus de caméra en salle d'audience) montrer un dessin de l’accusé dans son box…  Je suis un peu sceptique quant à la force de l’une de ces images, par rapport à la force de l’autre, dans l’imaginaire collectif.  Du pareil au même selon moi.


Véronique Courjault dans le box des accusés en France

Et la pire tache symbolique sur le droit sacré à la présomption d’innocence n’est-elle pas la détention provisoire?  Détenir un accusé pendant toutes les procédures judicaires, c’est hautement plus préjudiciable, il me semble, pour le jury qui le regarde dans sa boîte vitrée, pendant de longs mois de procès.
Ce qui m’agace, dans cette affaire de menottes, c’est cette tendance à peine voilée d'une certaine élite politique française à vouloir que Strauss-Kahn ne soit pas traité comme « les autres », et de nous donner, du même souffle, des leçons de démocratie et de droits fondamentaux de la personne...
Et si j’étais arrêtée en France, et si je subissais un procès en France, est-ce qu’on me ferait subir un procès selon les règles de preuves et de procédures de Common Law.  Allons donc.
Il faut en revenir, des menottes.

* J'ai choisi, à escient, des personnalités publiques.  (Guy Lafleur est un joueur de hockey célèbre et adulé, Nicolo Rizzuto était le patriarche de la plus célèbre famille italo-montréalaise, Jean-François Harrisson est comédien dans des émissions pour ados, Dave Hilton est boxeur.)

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À lire sur ce sujet


-  Valérie de Senneville, « Fallait-il cacher les menottes de DSK »


-  Sam Roberts,  « Des menottes pour tous »


-  Émilie Gougache, «DSK menotté, des images illégales en France»

mercredi 18 mai 2011

Dominique Strauss-Kahn

Je me suis mise au lit hier soir avec l’intention de faire un billet sur l’hystérie entourant l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn.  Puis, au réveil, mon billet devenait inutile parce que Yves Boisvert avait tout dit ce que j’avais envie de dire dans son article « DSK ou le choc des cultures ».
Et puis non.  J’ai décidé d’en rajouter une couche.  Alors voilà.
Dominique Strauss-Kahn a été arrêté aux États-Unis, un pays de Common Law, pour des crimes à caractère sexuel.  Sept chefs d’accusation en tout, dont un de séquestration.  Évidemment, il ne pourrait pas être déclaré coupable de tous ces chefs en vertu de la règle interdisant les condamnations multiples pour un même acte, lors d’un même événement.
Sept chefs, donc, difficilement transposables en droit canadien.  Il aurait été accusé, ici, d’agression sexuelle (simple, avec lésions ou grave, selon les faits) et de séquestration.  La tentative de viol n’existe pas au Canada, puisque le viol (qui n’existe plus comme crime depuis 1983)  est un acte de pénétration, et que la tentative de pénétration est, en soi, une agression sexuelle. 
Donc Dominique Strauss-Kahn a été arrêté, mis en accusation, et sa demande de remise en liberté sous caution a été rejetée. Étonnant oui et non, tout le monde l’a dit, l’esquive de Polanski a dû effleurer l’esprit de la juge dans sa réflexion.
Et maintenant, il se tait.  Évidemment qu’il se tait!  Il a la chance d’avoir le droit au silence.  Un accusé qui parle, c’est presque toujours un accusé qui se met les pieds dans les plats.  Alors il se tait, et il fait bien de se taire.  Pourquoi parlerait-il? Pour se disculper?  Allons donc! Qu’il clame son innocence à ce stade-ci ne changera rien: la justice ne le lâchera pas pour son beau verbe.  Il serait même interdit, pour le juge ou le jury, de considérer ce qui a été dit hors de la salle d'audience.
S’il ne plaide pas coupable, il aura un procès.  Et s’il veut, j’ai bien dit s’il veut parler, il le fera à ce moment-là.  Mais il ne sera pas non plus obligé de le faire.  Le juge ne lui demandera même pas son nom. En Common Law, on ne fait pas causette avec les juges, ni à la Cour, ni dans son bureau.  En Common Law, on répond aux questions de notre avocat, devant le juge, puis aux questions de l’avocat du ministère public si, et seulement si, on a choisi de témoigner. 
Dans une cause d’agression sexuelle où il semble que la défense de l’accusé en soit une de consentement, il est bien évident qu’il serait peu judicieux de ne pas faire témoigner l’accusé, à moins que, vraiment, la preuve du ministère public soit si ridiculement faible que jamais elle n’aura su prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. 
Jamais la poursuite ne pourra mettre en preuve ses élans pour les femmes dont on parle dans les médias...  Même s'il témoigne, il sera impossible de tenter de le faire passer pour un tombeur et de parler de son passé, et des rumeurs, à moins qu'il tente lui même de faire ce qu'on appelle une preuve de bonne réputation.  Pourquoi? Parce que la valeur probante de telles allégations est trop faible eu égard au préjudice que cela causerait à l'accusé, dans l'optique d'un procès juste et équitable. 

C’est ainsi. Le fardeau de la preuve repose exclusivement et entièrement sur les épaules du ministère public.  Et lorsque la présentation de cette preuve est close, l’accusé a le choix de présenter une défense ou non. 
L’accusé aura eu l’opportunité, avant la preuve de la poursuite (ou pendant, ou après, s'il y a lieu), de faire exclure des éléments de preuve obtenus de manière abusive.  Comme des aveux par exemple, qu’il aurait pu faire aux policiers lors de son arrestation, avant qu’on ne lui ait lu ses droits.  Ou encore une substance corporelle qui aurait été prélevée sans mandat et sans autorisation.

La Constitution américaine, et la jurisprudence américaine, feront en sorte que Dominique Strauss-Kahn ne sera pas traité différemment d’un autre.  J'ai confiance.  La justice américaine ne se décide pas selon la tête du client… 
Pour ce qui est de la plaignante, elle est un témoin dans la cause.  L’État poursuit, et la plaignante est son témoin principal, certes, mais un témoin quand même.  Ni plus, ni moins. 
Aussi, rappelons-le, l’État n’a pas de cause à gagner.  L’État veut seulement que justice soit rendue.  (Bon, évidemment, il y a les égos des avocats qui peuvent avoir envie de gagner lorsqu'ils sont convaincus que leur dossier est béton, mais le principe demeure: la Couronne (ici), et l'État (là-bas) n'a pas de cause à gagner).
Il n’y a pas de partie civile en Common Law Pas de crises de nerfs, donc,  d’une partie totalement partiale qui veut la mort de l’accusé.  Non, la plaignante n’est pas une partie au dossier, elle n’est pas représentée par avocat ni rien.  Je le répète, elle est un témoin.  Alors, il faudrait penser à lui fiche un peu la paix.  Elle ira témoigner quand elle sera appelée à le faire.
Si elle n’est pas crédible, elle ne sera pas crue.  Et si elle n’est pas crue, l’accusé sera acquitté sans même avoir eu à dire un mot.  Pas même son nom.

Véronique Robert

vendredi 13 mai 2011

Le plaidoyer de culpabilité

J’ai lu plus tôt cette semaine sur Twitter qu’une personne croyait que le Dr. Guy Turcotte avait plaidé coupable aux accusations portées contre lui.  Puis j’ai entendu hier deux adolescents discuter du procès de Guy Turcotte en disant qu’il avait plaidé coupable et qu’on faisait défiler des témoins pour décider de sa sentence.
Lorsque l’on plaide coupable, il n’y a pas de procès.
Le plaidoyer de culpabilité, c’est un aveu judiciaire de culpabilité.  C’est le fait de dire à la Cour « Je reconnais avoir posé le geste pour lesquel on m’accuse, et je reconnais être moralement coupable de ce crime ».
À quoi ça sert?
Ça sert à éviter la tenue d’un procès qui deviendrait inutile puisque la personne reconnait sa culpabilité, à la fois factuelle et morale.





Parenthèse -   La procédure judiciaire pénale française, jusqu’à tout récemment, n’offrait pas cette possibilité, et les juristes de common law que nous sommes avons bien du mal à comprendre comment une telle situation était possible.  Pourquoi faire un procès quand la personne dit « oui je l’ai fait, je voulais consciemment le faire, et je n’ai aucune excuse ni explication».  La France donc, désormais, connait cette procédure qu’ils appellent « le plaider coupable ».  Incidemment, le droit pénal français connait aussi désormais le droit au silence (au moment de l'arrestation seulement, toutefois), j’y reviendrai dans un autre billet.  Brièvement, mon opinion chauvine : enfin la France se met au diapason de la Common Law.


Les conséquences du plaidoyer de culpabilité sont simples :  la personne est déclarée coupable par le juge, et on décide ensuite de la peine à imposer.  Tout ça demeure public, et il n'est pas question, comme le craignent des penseurs français, d'une justice secrète. 
Parfois, la peine a été négociée entre l’accusé (son avocat) et le représentant du ministère public.  C’est ce qu’on appelle la négociation de plaidoyer, ou le plea bargaining : la poursuite et la défense s’entendent sur une peine, en échange de quoi l’accusé plaidera coupable.  Évidemment, ces négociations se font dans la mesure où l’accusé reconnaît les faits car, encore une fois,  on ne peut pas plaider coupable si on ne reconnait pas sa culpabilité.  Il arrive souvent, à la Cour, qu’un accusé qui a mal compris dise au juge « oui, je plaide coupable, mais j’ai rien fait », ou encore «je plaide coupable, mais c'est pas ma faute ce qui est arrivé».  Évidemment, dans de tels cas, le juge refuse de déclarer l’accusé coupable.

La suggestion commune de peine
Lorsque la peine a été décidée entre les parties, elle est soumise au juge qui l’accepte dans la grande majorité des cas.  Mais le juge n’est pas lié par cette suggestion, et l’avocat doit en avoir informé son client. Je dirais même l’en avoir informé avec emphase. Reste que pour refuser cette suggestion commune de sentence, le juge doit la trouver manifestement déraisonnable.  Et elle doit l'être effectivement, sans quoi la Cour d'appel interviendra.

Les représentations sur la peine

Si l’accusé plaide coupable sans qu’il n’y ait de suggestion commune de peine, les parties feront des représentations à la Cour pour l’amener à imposer la peine que chacun juge la plus juste selon les circonstances et selon le profil du délinquant.  Le juge peut alors suivre la suggestion de la défense, de la Couronne, ou aucune des deux.  Il demeure rare que le juge impose une peine plus clémente que celle proposée par la défense, ou plus sévère que celle proposée par la Couronne.   Par exemple, si pour un vol qualifié je suggère à la Cour une peine de 3 mois de prison, et que le ministère public suggère une peine de 12 mois, le juge peut imposer une peine de 3 mois, de 6 mois, de 8 mois, de 12 mois etc.  Rarement le juge déciderait devant de telles propositions d’imposer  une simple amende, ou une peine de 2 ans. 

Qu’est-ce que ça donne
Ça ne donne pas grand-chose sinon, comme je le disais plus tôt, d’éviter la tenue d’un procès, ce qui est déjà beaucoup.
Par contre, il faut comprendre que le plaidoyer de culpabilité est un aveu, c'est à dire un indice de remord et de repentir.   Ce sera donc considéré comme un facteur atténuant, au moment de déterminer la peine.  Évidemment, l’accusé qui a plaidé coupable a, dans certains cas, évité à une ou des victimes de subir un procès difficile.  Cet élément est aussi un facteur atténuant au moment de choisir la peine, si bien que plus le plaidoyer de culpabilité est intervenu tôt dans les procédures, plus le juge considérera celui-ci comme un facteur atténuant la peine.  (Pour illustrer, imaginons des procédures de trois ans qui auront exigé la tenue d’une enquête sur remise en liberté de trois jours, une enquête préliminaire de cinq jours, et trois semaines de procès.  Imaginons que l’accusé, après ces trois semaines de procès, décide de plaider coupable.  Celui-ci n’aura pas épargné beaucoup de tracas aux victime en comparaison avec l’accusé qui aurait plaidé coupable trois jours après son arrestation.)
Il faut faire attention : Si le plaidoyer de culpabilité est un facteur atténuant la sentence, le fait de ne pas plaider coupable et de subir un procès ne devra jamais être considéré par le juge comme un facteur aggravant.  Chacun a le droit à un procès, ce droit est constitutionnellement protégé, et sacré.

La non culpabilité morale
Quand les faits sont admis mais que la culpabilité morale n’est pas admise, un procès doit se dérouler.  C’est là qu’interviennent les moyens de défense.
La défense de troubles mentaux est de ceux là.  La légitime défense aussi.  L’erreur de fait.  La contrainte.  L’impossibilité.  Il y a aussi l’intoxication volontaire et la provocation qui sont des moyens de défense incomplets en ce sens qu’ils n’amènent pas un acquittement mais une atténuation de la responsabilité.
Prenons l’exemple de la légitime défense, qui est simple :  «oui je l’ai fait, mais je n’avais pas le choix pour me défendre ».   L’accusé ne fait pas cette déclaration au début du procès, même si son avocat peut l’exposer en ouverture, comme cela a été fait dans Guy Turcotte.  La déroulement sera celui d’un procès normal : La Couronne fait toute sa preuve, pour bien ancrer le contexte, et la défense présentera ensuite sa défense.
À la fin d'un procès où il y aura eu un moyen de défense invoqué, comme par exemple la légitime défense, l’accusé sera soit déclaré coupable, soit acquitté.

samedi 7 mai 2011

... Et j'ai couché dans mon char

Le jour s'est l'vé sur Rouyn
'Ec des gros rayons d'or.
J'ai jasé 'ec mon instinct...
Et j'ai couché dans mon char.
(Richard Desjardins)




Garde et contrôle d'un véhicule à moteur

Ce billet n'est pas palpitant.  Il vise seulement à informer le justiciable d'une accusation criminelle très courante, mais qu’on connait peu : La garde et le contrôle d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies, ou avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite permise.
D’entrée de jeu, distinguons deux concepts :   Dans tous les crimes reliés à l’alcool au volant, deux accusations possibles : celle qui réfère aux facultés affaiblies et celle qui réfère au taux d’alcoolémie.
On peut être accusé de conduite avec les facultés affaiblies et/ou de conduite avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite permise.  On peut être accusé de conduite avec  les facultés affaiblies causant la mort, et/ou de conduite avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite permise causant la mort. (Je reviendrai dans un autre billet sur l'alcool au volant qui cause des lésions, ou la mort).
Avoir les facultés affaiblies, ça ne réfère pas uniquement à l’alcool.  On peut être accusé d’avoir conduit sous l’effet d’une drogue ou d’un médicament.  Évidemment, la preuve –qui se fait le plus souvent grâce aux témoignages – sera plus simple à faire dans le cas des facultés affaiblies par l’alcool en raison des symptômes plus faciles à identifier,  ne serait-ce qu’en raison de l’odeur de l’haleine.
On peut donc être trouvé coupable d’une infraction relative à l’alcool au volant même en l’absence d’un taux d’alcoolémie supérieur à la limite permise, pour autant que le ministère public ait fait la preuve, hors de tout doute raisonnable, que les facultés étaient affaiblies.
Le taux d'alcoolémie est vraiment le pourcentage d'alcool dans le sang, mesuré à l'aide de prises de sang, deux habituellement.
Maintenant, ce crime peu connu auquel il faut prendre garde :  La garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur alors que les facultés sont affaiblies, ou alors que le taux d’alcoolémie est supérieur à la limite permise[1].
Qu’est-ce que la garde et le contrôle?
J’ai décidé de faire un billet sur le sujet quand j’ai su que ma fille, dans le cadre de son cours de conduite dispensé par une école reconnue, a appris qu’il suffisait de ne pas avoir les clés dans les poches pour être à l’abri d’une accusation criminelle.

La réalité est loin d’être aussi simple
L'article 253 du code criminel canadien stipule qu'il est interdit de conduire un véhicule à moteur avec les facultés affiablies, que ce véhicule soit en marche ou non.  L'infraction de garde et contrôle est donc la même que celle de conduite.

En vertu de l’article 258 (1) a) du Code criminel, un accusé est présumé avoir eu la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur dès lors qu’il s’est trouvé assis à la place du conducteur.  Pour renverser la présomption, l’accusé doit démontrer, suivant la balance des probabilités, qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.

Une fois la présomption renversée, la Couronne peut encore faire la preuve,  hors de tout doute raisonnable,  que l’accusé avait effectivement la garde et le contrôle malgré son absence d’intention de mettre le véhicule en marche.  En fait, le crime de garde et de contrôle, désormais, réfère d’avantage au « danger » de mettre en marche le véhicule[2].  C’est une espèce d’infraction préventive, prospective.

C’est donc dire que le fait d’avoir ou pas les clés dans les poches n’est qu’un élément parmi d’autres qui serviront au juge pour déterminer si la personne accusée avait ou non la garde ou le contrôle de la voiture suivant l’ensemble des circonstances.  Mais il existe une jurisprudence abondante où nous sont racontées des histoires de clés sur le siège arrière, de clés dans le coffre à gants et même de  clés par terre à côté de la voiture, histoires qui se sont mal terminées pour les accusés.

Que l’accusé dorme peut ne rien changer.  Que l’accusé ait judicieusement décidé de dormir dans son véhicule se sachant trop saoul pour conduire peut ne rien changer.  Dès lors qu’il sait où sont les clés, le tribunal peut décider qu’il existait un danger que la voiture soit mise en marche.

Évidemment, être assis derrière le volant avec les clés dans le contact sera presque toujours un scénario qui amènera la Cour à juger que l’accusé avait la garde et le contrôle et cela même si l'accusé dort profondément.  Il est toutefois possible de se voir déclarer coupable même en ne se trouvant pas du côté conducteur, encore une fois si les faits démontrent qu’il y avait un risque de mise en marche.  On parle vraiment, pour l’infraction de garde et contrôle, d’une « certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou d’une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement »[3].

Mon opinion, c’est que l’état du droit est trop sévère, que les juges sont en général trop sévères, sur cette question de garde et de contrôle.  Nous en sommes venus à criminaliser un geste qui n’a pas eu lieu, en raison du danger qu’il se produise, et cela même en l’absence d’intention de l’accusé de faire en sorte qu’il se produise…

Sauf que mon opinion ne vaut rien pour l'instant.  Dura lex sed lex.  Il faut donc s’abstenir, lorsqu’on a les facultés affaiblies, non seulement d’entrer dans un véhicule à moteur, mais d’y accéder, les clés en main.  Je dirais même de s’en approcher[4]





Sentence
La peine minimale pour une accusation de conduite, ou de garde et contrôle, avec les facultés affaiblies ou avec un taux d’alcoolémie illégal, est une amende 1000$ pour une première infraction, un emprisonnement de 30 jours pour une deuxième infraction et un emprisonnement de 120 jours pour chaque récidive subséquente.  C’est une peine minimale.  Peu importe les faits, le juge n’est pas autorisé à imposer une peine plus clémente.
Si l’accusation est par voie sommaire, la peine maximale est l’emprisonnement pour une durée de 18 mois.  Si l’accusation est prise par acte criminel (le plus fréquent pour cette infraction), la peine maximale est de 5 ans de prison.  Ceci, évidemment, s’il n’y a ni blessé ni mort.
Il y  a dans tous les cas une suspension administrative du permis de conduire par la SAAQ.




[1] Article 253 du Code criminal canadien
[2] R. c. Rioux, Cour d’appel du Québec, 3 juillet 2000.
[3] Ibid.
[4] La Cour d’appel de l’Ontario a décidé, dans R. c. Pike en 2004 que la personne qui ouvre la portière côté passager pour y déposer un paquet n’a pas la garde et le contrôle…  Mais en matière de facultés affaiblies, on ne pèche jamais par excès de prudence.


AJOUT:


Le 15 août 2011, l'honorable Claude-C. Gagnon de la Cour supérieure a rendu une décision qui vient modifier le courant jurisprudentielle quant à la garde et contrôle de celui qui cuve son vin derrière le volant, qu'il ait ou non ses clés en poche.


Selon le juge Gagnon, le fardeau actuel était trop lourd.  Celui qui dort dans sa voiture non pas dans l'intention de la mettre en marche plus tard, mais dans l'intention d'appeler quelqu'un une fois qu'il sera réveillé, a renversé la présomption de garde et contrôle.

DEUXIÈME AJOUT:

La Cour suprême du Canada a décidé, le 26 octobre 2012, dans l'arrêt Boudreault qui originait du district de Chicoutimi, que le danger que le véhicule soit mis en marche doit être réaliste. La seule possibilité que le véhicule soit mis en marche n'est plus désormais suffisante.