vendredi 29 avril 2011

La « majorité sexuelle », ou l’âge légal du consentement

Nous n’utilisons pas cette expression ici, mais elle est courante en France et je la trouve plus concise et claire que «l’âge du consentement à des activités sexuelles avec une personne majeure »
Quel est l’âge de la majorité sexuelle au Canada?  Il est de 16 ans.  À 16 ans, une jeune femme ou un jeune homme peut consentir à avoir des relations sexuelles avec une personne majeure, homme ou femme, pour autant que cette personne ne soit pas en situation d’autorité.
Oubliez cette vieille notion de « détournement de mineur », ça n’existe pas au Canada.
16 ans, donc.  Il s’agit d’une modification récente[2] au Code criminel qui avait établi à 14 ans l’âge de la majorité sexuelle depuis 1985.  C’est donc une autre modification conservatrice.  Est-elle ultraconservatrice? J’aurais besoin d’un autre billet pour en discuter.  Je n’en suis pas certaine et ma position est nuancée.  Par exemple, la majorité sexuelle est de 13 ans en Espagne, ce que je trouve douloureusement trop jeune…  Elle est de 15 ans en France.  Pour une comparaison dans les différents pays : Wikipédia.
Ça veut dire quoi?  Ça veut dire que le consentement n’est pas une défense à l’encontre d’une accusation d’infraction d’ordre sexuel (contact sexuel, incitation en en avoir, exploitation, bestialité en présence d’enfants, exhibitionnisme, agressions sexuelles simple, armée ou causant lésion, grave) si la plaignante est âgée de moins de 16 ans.  (Bien sur qu'il peut aussi s'agir d'un plaignant).
Plus clairement encore, ça veut dire que le « consentement » d’une personne de moins de 16 ans à avoir des relations sexuelles avec un adulte de plus de 5 ans son aîné ne vaut rien légalement.  Prenons l’exemple de la jeune fille de 14 ans qui dit oui avec la tête, et qui dit oui aussi avec le cœur[3], de la jeune fille de 14 ans qui aurait même été l’instigatrice de la relation charnelle avec un homme de 20 ans son aîné.  Ça demeure un acte criminel vu l'absence inhérente de consentement valable.

Les jeunes de 16 à 18 ans peuvent donc consentir à des rapports sexuels avec des personnes majeures, pour autant qu'il n'y ait pas de lien de confiance ou d'autorité.  Cette question du lien de confiance ou d'autorité se définit au cas par cas, selon le contexte.

Julie Desrosiers
Nul besoin que la relation ait été empreinte de violence –l’image instantanée de l’agression sexuelle– pour qu’une accusation de contacts sexuels avec un/e mineur/e de moins de 16 ans puisse être portée.  Nul besoin de faire la preuve que l'adulte a effectivement exploité l'ado, qu'il a eu l'intention de le malmener moralement.  Encore une fois, la raison en est que le consentement est réputé ne pas avoir existé, point.  Il suffit donc qu'il y ait eu un contact «à des fins d'ordre sexuel».  L'éventail du type de contacts dont il peut s'agir est large.
Il existe des exceptions :
- Un jeune de 12 à 13 ans peut consentir à avoir des relations sexuelles avec un autre jeune qui est de moins de 2 ans son aîné.  (Toujours à la condition qu’il n’y ait pas de lien d’autorité).
- Un jeune de 14 à 16 ans peut consentir à des relations sexuelles avec un autre adolescent, ou un jeune adulte, si la différence d’âge ne dépasse pas 5 ans. (Et toujours s’il n’y a pas de lien d’autorité qui aurait pu vicier le consentement).
Je répète, la question de la situation d’autorité se déduit des faits.  Évidemment, on pense spontanément au prof et à l’entraîneur sportif. Ceux-là ont effectivement une pente abupte à remonter s'ils veulent nier la situation d'autorité.  Mais ce n'est pas impensable.  Pensons à une fille de 17 ans avec son prof de 21 ans qui entretiennent une relations amoureuse, saine et égalitaire.  Ce prof, évidemment et heureusement, pourrait éviter la condamnation.  

L'arrêt de principe sur la situation d'autorité est Audet de la Cour suprême du Canada.  Vous constaterez à sa lecture qu'il a été rendu alors que l'âge légal était encore fixé à 14 ans.


Moyens de défense

L'accusé pourra toujours soulever la défense d'erreur de fait sur l'âge.  Si l'accusé croyait sincèrement que la plaingante avait 16 ans, et s'il a pris « Toutes les mesures raisonnables » pour s'assurer de son âge, il pourrait être acquitté.  Parce que même si l'acte a été commis, l'accusé n'avait pas l'esprit coupable.  Ces deux notions, acte (actus reus) et intention (mens rea), sont les deux notions centrales du droit criminel de Common Law.  L'accusé qui donc croit réellement avoir eu des rapports sexuels avec une fille de 17 ans alors qu'elle a avait 15, si elle lui a montré des fausses pièces d'identité, si elle étudiait au cégep, si elle vivait en appartement, sera très fort probablement acquitté puisque son intention (sa mens rea) n'était pas celle d'avoir des rapports sexuels avec une adolescente de 15 ans.  Il s'agit encore d'une question d'évaluation et de crédibilité des faits mis en preuve.

25 août 2016: Je ferme la section commentaire de ce billet. Trop de questions précises concernant des relations sexuelles précises en lien avec des écarts d'âge précis.

Vous comprendrez que mon rôle n'est pas de donner une opinion juridique à des adultes qui veulent s'assurer de la légalité de leur relation avec des mineurs.




[2] 2008
[3] Pastiche du «cancre »  de Jacques Prévert