mardi 19 avril 2011

Le Code criminel et la mort

Plusieurs dispositions du Code criminel canadien sanctionnent le fait de causer la mort d'un être humain.  Cette mort peut être voulue, prévue, préméditée, ou être la conséquence d’un acte dont on devait savoir qu’il serait susceptible d’entraîner la mort.
Un petit débroussaillage peut être utile.

Le meurtre au premier degré 
C’est le fait de tuer quelqu’un de manière intentionnelle, délibérément, et de manière préméditée.  La préméditation est la planification du crime.  Le propos délibéré, c’est le fait d’y bien réfléchir, voire de peser le pour et le contre du geste avant d'agir.
C’est à la Poursuite qu’appartient le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable tous les éléments du crime, y compris la préméditation et le propos délibéré.
Il existe aussi des meurtres qui, même s’ils n’ont pas été prémédités et commis de propos délibéré, sont assimilés au meurtre au premier degré : 1) Le meurtre commis sur la base d’une entente monétaire, 2) le meurtre d’un policier dans l’exercice de ses fonctions, 3) le meurtre d’un employé de prison dans l’exercice de ses fonctions, 4) le meurtre commis pendant un détournement d’avion, 5) le meurtre commis pendant une agression sexuelle, 6) le meurtre commis pendant une séquestration (incluant la prise d’otage) 7) le meurtre commis dans un contexte d’harcèlement ou d’intimidation, 8) le meurtre commis dans le contexte d’activité terroriste et 9) le meurtre commis en association, sous la direction, ou au profit d’une organisation criminelle.
La peine imposée pour le meurtre au premier degré est automatiquement la prison à perpétuité, avec une possibilité de libération conditionnelle après 25 ans.   Il s’agit bien d’une possibilité, et non d’une libération automatique, contrairement à la croyance populaire.  Aussi, cette libération sera toujours conditionnelle au bon fonctionnement de l'individu en société et cet individu aura toujours des comptes à rendre à l'État.

Le meurtre au deuxième degré 
Tous les autres types de meurtres sont des meurtres au deuxième degré.
Il s’agit de tuer quelqu’un de manière intentionnelle, mais sans que le geste ne soit commis de propos délibéré ou qu’il n’ait été prémédité.  S’emparer d’une arme à feu et tirer sur quelqu’un dans l’intention de le tuer est un meurtre au deuxième degré.  Battre quelqu’un jusqu’à ce que la mort survienne est un meurtre au deuxième degré, car la personne est censée vouloir la conséquence de ses actes.
La peine pour le meurtre au deuxième degré est automatiquement la prison à perpétuité, avec une possibilité de libération conditionnelle après 10 à 25 ans, selon ce que le juge ou les parties auront décidé.  Comme pour le meurtre au premier degré, le fait que la personne devienne admissible à la libération conditionnelle, disons après 12 ans, ne signifie pas qu’elle l’obtiendra.  C’est alors à la Commission nationale des libérations conditionnelles de prendre la décision.
Dans les faits, la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle varie entre 10 et 20 ans.  Sauf erreur, on n’a jamais imposé une période d’inadmissibilité de 25 ans pour un meurtre au deuxième degré au Canada, sauf dans l’affaire Jean-Paul Bainbridge, mais la Cour d’appel avait révisé à la baisse et déclaré le meurtrier admissible à une sortie après 20 ans.

L’homicide involontaire
On a tendance à confondre l'homicide involontaire avec l’accident.  Mais l’accident n’est jamais un crime en droit canadien.
Il s’agit de causer la mort de quelqu’un en posant un acte illégal, potentiellement dangereux, c'est-à-dire de nature à causer des lésions corporelles.  La Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable non pas que l’accusé savait que le geste illégal était susceptible de causer des lésions corporelles, mais qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait pu le prévoir.  L'exemple classique: le coup de poing au visage duquel résulte la mort.
La peine maximale pour l’homicide involontaire est une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Il n’y a pas de peine minimale, sauf si une arme à feu est utilisée lors de la commission de l’acte illégal, la peine étant alors d’au moins 4 ans.
Dans les faits, les peines pour un homicide involontaire sont très variées, se situant dans une fourchette de 5 à 15 ans.

La négligence criminelle causant la mort
La négligence criminelle,  c’est de montrer une insouciance déréglée ou téméraire pour la vie d’autrui, en accomplissant ou en omettant d’accomplir un geste.
Si cette négligence occasionne le décès d’autrui, la peine maximale imposée sera la prison à perpétuité, et la peine minimale est de 4 ans uniquement s’il y a usage d’une arme à feu.  Dans les autres cas, il n’y a pas de peine minimale.  Dans les faits, les peines pour une négligence criminelle causant la mort se situent dans une fourchette de 2 à 6 ans. 
La conduite dangereuse causant la mort
La conduite d’un véhicule à moteur de manière dangereuse pour le public, c’est-à-dire de manière déraisonnable selon les circonstances, peut se voir sanctionner par une accusation de conduite dangereuse.  Si cette conduite occasionne la mort d’un être humain, la peine encourue est de 15 ans maximum.  Dans les faits, la peine varie entre 12 mois et 5 ans.  
La Poursuite doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable d’un écart marqué entre la conduite en cause et la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.  Elle doit aussi faire la preuve hors de tout doute raisonnable du lien de causalité entre la conduite dangereuse et la mort.  Si, par exemple, malgré qu’il roulait à 200km/h dans une zone de 90km/h, l’individu a été coupé par une autre voiture, la Couronne n’arrivera pas à prouver que c’est la vitesse qui est responsable de la mort.

La conduite avec les facultés affaiblies causant la mort
Si on conduit un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies et qu’on cause la mort d’un être humain en commettant le crime, on risque un emprisonnement à perpétuité.  C’est dire la gravité objective du crime.
Toutefois, dans les faits, les peines varient je dirais entre 12 mois et 10 ans.  La récidive est évidemment un facteur qui fera augmenter la peine.

L'infanticide

C'est le fait, pour une femme, de mettre fin à la vie de son bébé alors qu'elle est en état de déséquilibre psychique des suites de l'accouchement ou de l'allaitement.  La peine maximale est 5 ans de réclusion.

Fait de tuer un enfant

Pour le reste, le fait de tuer un bébé ou un enfant est un homicide (involontaire ou non).  Il faut que ce bébé soit alors complètement sorti de sa mère, qu'il ait respiré ou non, qu'il ait une circulation indépendante ou non ou que son cordon ombilical soit coupé ou non.  La peine qui s'applique est celle de l'homicide involontaire, ou du meurtre, selon l'accusation portée.

Fait de tuer un bébé au cours de la mise au monde

"Est passible de l'emprisonnement à perpétuité" toute personne qui cause la mort d'un bébé pendant sa mise au monde, de telle sorte que si l'enfant avait été complètement né, cette personne aurait été trouvée coupable de meurtre.

Cet article à quiconque, y compris la mère.  Elle se distingue de l'infanticide en ce que la mort doit survenir pendant l'accouchement, et surtout en ce que l'état mental de la mère n'est pas en cause.  Il s'agit donc d'un meurtre.

Cet article n'est à peu près jamais utilisé au Canada.  On en a discuté dans la foulée des débats sur la légalité de l'avortement.


9 commentaires:

  1. Vraiment hyper intéressant les différences entre les différents types de délits causant la mort et les peines qui y sont associés. On a des informations vulgarisées et en plus, comment les peines sont appliquées dans le pratico-pratique. J'ai déjà eu un de mes clients qui a commis un meurtre au 2e degré et dont l'admissibilité à la libération conditionnelle totale était de 25 ans, si ma mémoire est bonne. Cependant, il a été en appel et ça a été réduit de près de la moitié. En terminant, petite info comme ça, depuis septembre 2010, la CNLC a changé de nom. C'est maintenant la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). Dans les faits rien n'a changé, quelqu'un s'est simplement penché sur la question et s'est dit:"Tiens, faudrait qu'il y ait le mot Canada dans le titre!" ;)

    RépondreSupprimer
  2. N'existe-t-il pas aussi une sorte de mesure exceptionnelle après 15 ans pour qqn condamné pour meutre au premier degré?

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour cette explication claire et concise! Le nuage s'est dissipé.

    RépondreSupprimer
  4. @Raton: De rien ;-)

    @PsyKoDork: Oui, il existe une possibilité, pour le meurtrier au 1er degré (et pour le meurtrier au 2ème degré qui a reçu une période d'inadmissibilité à la libération de plus de 15 ans) de demander, après 15 ans, à un jury unanime de se prononcer, justement sur cette période d'inadmissibilité.

    Le rôle du jury est alors de déclarer le condamné ou non admissible à la libération conditionnelle avant son temps. La Commission des libérations conditionnelle demeure alors celle qui évalue et qui décide. Plus clairement, le jury déclare la personne admissible à faire la demande, et non à être libérée.

    Je dis tout ça avec une hésitation: j'ai lu que les conservateurs de Harper et de Boisvenu étaient en train de faire abolir ce processus, et je n'ai pas vérifié s'il y a un projet de loi sur la table.

    RépondreSupprimer
  5. Il y a effectivement un tel projet de loi (S-6) qui a reçu la sanction royale. L'Association québécoise des avocat(es) de la défense avait déposé un mémoire pour s'y opposer. On peut consulter le mémoire au lien suivant:http://www.aqaad.com/documents/Argumentaire%20de%20l'AQAAD%20projet%20de%20loi%20S-6.pdf

    RépondreSupprimer
  6. Merci Me Ladouceur.

    http://www.aqaad.com/documents/Argumentaire%20de%20l'AQAAD%20projet%20de%20loi%20S-6.pdf

    RépondreSupprimer
  7. " Il s’agit de tuer quelqu’un de manière intentionnelle, mais sans que le geste ne soit commis de propos délibéré ou qu’il n’ait été prémédité."
    Le propos délibéré ne fait-il pas référence à l'intention justement?

    Merci pour la précision,

    MP

    RépondreSupprimer
  8. Trois membres d'une même famille voient leur frère rentrer chez lui le soir dissimulant une carabine.(après enquête leur frère fut jugé et condamné pour meurtre, c'est en 1960). Les trois membres ont caché leur observation aux policiers et enquêteur,pour protéger leur frère.Pouvaient-ils être condamner pour parjure ou fausse déclaration à cette époque?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Plutôt de complicité après le fait de meurtre, et d'entrave à la justice.

      Supprimer