vendredi 27 mai 2016

Un sursis de peine n'est pas une peine avec sursis




L'ancienne policière Stéfanie Trudeau s'est vu imposer, hier, une peine de probation de 12 mois assortie de 60 heures de travaux communautaires.

C'est ce qu'on appelle parfois un sursis de peine, ou une sentence suspendue, c'est-à-dire que je le juge sursoit au prononcé de la peine pour une période fixe.  J'ai envie de dire ce qu'on appelle à tort un sursis de peine lorsque des travaux communautaires sont ordonnés puisque les travaux constituent une peine.  (Anciennement, les travaux communautaires étaient considérés comme une alternative à la prison, pas exactement un sursis de peine, donc).


Chose sûre, Stéfanie Trudeau n'a pas été condamnée à une «peine avec sursis» ou, pire, à une «peine de prison avec sursis», non plus qu'à «12 mois dans la collectivité», comme l'ont indiqué la quasi totalité des grands médias francophones hier et que seule La Presse a corrigé ce matin.


La peine de prison avec sursis, expression empruntée à la suisse quand cette peine a été intégrée à notre droit, c'est la peine de prison en société, ou prison dans la collectivité, qu'on appelle aussi prison-maison pour utiliser une traduction littérale de l'anglais house-arrest, et qu'on devrait appeler, comme Michael Nguyen dans le Journal de Montréal, une peine de «prison à domicile».

Il y a un monde entre une peine de prison à domicile d'une année et une probation d'une année.


La prison en société est une peine beaucoup plus sévère que la probation d'une année assortie de travaux communautaires et, incidemment, c'est une peine qui apparaissait, hier, à tous les juristes devant leur télé ou sur La Presse+, anormalement sévère. Même le procureur de la poursuite n'en demandait pas tant.


Il est quasiment impossible qu'une journaliste judiciaire d'expérience ne fasse pas la distinction entre un sursis de peine et une peine avec sursis, pour reprendre le verbiage juridique mêlant. C'est d'autant plus improbable que j'ai pu constater qu'aucune erreur ne se trouve dans les médias anglophones. CTV parle de «one year of probation and 60 hours of community service» et CBC titre «Stéfanie Trudeau has been handed a 12-month suspended sentence and will do 60 hours of community service »

C'est donc soit un correcteur, soit un titreur, qui s'est mêlé de corriger des mots appartenant au monde juridique, avec pour conséquence non seulement de les priver de leur sens mais de leur faire dire totalement autre chose. Mais le même correcteur pour tous les médias francophones? Tous? Il y a vraiment un truc qui m'échappe...