dimanche 9 décembre 2012

Gabriel Nadeau-Dubois et l'outrage civil


Outrage civil et outrage criminel, petit billet pédagogique

Il y a le droit criminel, qui oppose un individu à l’État, comme quand la police et le ministère public (qu'on appelle aussi La Couronne, le DPCP, la Poursuite), vous accusent de vol à l’étalage.

Il y a le droit civil, qui oppose deux parties privées, comme quand le voisin vous poursuit pour avoir un bout de votre terrain.

Il y a aussi le droit pénal, qui se rapproche du droit criminel en ce que les règles de preuve sont les mêmes et les règles de procédures semblables.  C’est encore l’État qui poursuit, mais sur la base de lois provinciales, comme quand vous vous faites arrêter pour un excès de vitesse :   le Code de la sécurité routière régit votre accusation.  Vous payez une amende.  Vous n’avez pas de casier judiciaire.

En droit criminel, il est possible de citer un individu pour outrage au tribunal.  Souvent, c’est le comportement de l’accusé ou d'un témoin à la Cour qui amène le juge à le citer pour outrage au tribunal.  Cet individu fera face à une nouvelle accusation, en plus de celle pour laquelle il se retrouvait devant le juge initialement.  Le Code criminel, une loi fédérale, prévoit plusieurs formes d’outrage au tribunal.

On dit alors, dans le jargon, qu’il s’agit d’un outrage criminel.  La procédure relève du droit criminel qui est de compétence fédérale, la personne sera jugée par une instance criminelle et, si elle est condamnée, aura un antécédent d'outrage au tribunal dans son casier judiciaire, qui relève aussi du fédéral.
Gabriel Nadeau-Dubois était poursuivi par Jean-François Morasse pour non respect d’une injonction de nature privée.  L’injonction opposait un individu et une association étudiante, donc deux parties civiles.  On est ici en droit privé.  On n’est pas en droit public.  L’État n’est pas mêlé au dossier.

L’intitulé de la décision de l’honorable Denis Jacques nous indique dans quel domaine de droit on se situe.  «Jean-François Morasse - demandeur- contre Gabriel Nadeau-Dubois - défendeur».  On est en droit civil.

Lorsqu'on est en droit criminel, l'intitulé implique toujours Sa Majesté la Reine (eh oui!).  Un exemple  ici.  On constate que la Reine est «poursuivante»;  elle ne demande rien, elle accuse.  La justiciable, pour sa part,  est «accusée».

La condamnation qui fut prononcée contre Gabriel Nadeau-Dubois est une condamnation civile.  Si vous lisez la décision, cette condamnation prend assise dans le Code de procédure civile, une loi provinciale, et plus particulièrement à l’article 50 de ce Code.


Ceci étant dit, comme les conséquences d'une condamnation sont de nature pénale, les règles de preuve sont celles du droit criminel. D'où le fait que le juge a exigé que la partie demanderesse fasse la preuve hors de tout doute raisonnable.  C'est la même chose avec toutes les lois provinciales qui comportent des dispositions punitives.

Mais il s'agit tout de même d’un outrage civil, et non d’un outrage criminel. Il ne s'agit surtout pas, comme je le lisais un peu plus tôt dans une lettre ouverte à La Presse, d'une «condamnation criminelle».   Bien qu’une peine de prison soit possible, la Loi sur le casier judiciaire, une loi fédérale, n’a rien à voir dans l’histoire.  Et Gabriel Nadeau-Dubois n’aura pas de casier judiciaire, même si on l’envoie séjourner quelques jours en prison, pour en faire un exemple, ou un martyr, c’est selon.

Billet publié initialement le 3 novembre 2012 sur mon blogue du Voir

Minouches dans le dos


- LA CARTE DES AGRESSEURS SEXUELS DU JOURNAL DE MONTÉAL -

Le Journal de Montréal vient de publier ce qu’il prétend être «carte des agresseurs sexuels».  Il s’agit, si l’on en croit le titre, d’une carte géographique servant à localiser les agresseurs sexuels, ou encore les pédophiles, ce n’est pas très clair puisque lorsque l'on clique sur la carte, un nouveau titre apparaît :  «Demeurez-vous près d’un pédophile».


En fait, si on lit les plus petits caractères de Marc Pigeon – car il faut toujours lire les petits caractères de Marc Pigeon pour ne pas se faire remplir – on comprend qu’il s’agit d’accusés et non de condamnés.  Il ne s’agit donc pas d’une carte géographique des résidences d'agresseurs sexuels, mais d’une carte géographique des résidences de gens qui sont accusés d’agression sexuelle.

Premier leurre.  Première bassesse.

Ce que le Journal de Montréal a répertorié, donc, ce sont des causes pendantes d’agression sexuelle, des causes où l’accusé est encore présumé innocent, des causes où la gravité subjective de l’acte n’est pas mentionnée, des causes où les accusations seront peut-être abandonnées,  où l’accusé sera peut-être acquitté, où la Couronne déclarera peut-être finalement qu’elle n’a pas de preuve à offrir.

L’agression sexuelle est un crime objectivement très grave.  Je suis une femme, féministe, et jamais je ne banaliserai l’agression sexuelle en-soi.

Il y a toutefois de nombreux dossiers d’agression sexuelle totalement abracadabrants qui se retrouvent à la Cour et qui parfois mènent à une condamnation ou à un plaidoyer de culpabilité.

Deuxième problème.  Deuxième abomination.

Qu'il suffise de raconter ici une histoire.  Elle se déroule au palais de justice de St-Jérôme.

Un jeune homme dans la vingtaine avancée, sans antécédent judiciaire, est en instance de séparation.  Il est avec sa blonde/ex blonde dans la maison qu’ils habitent encore ensemble quand ils ne sont pas en chicane.  Un soir harmonieux où ils se font une soirée-télé, elle l’invite à venir s’étendre avec elle. Elle lui demande des «minouches dans l'dos» pour s’endormir.  (Il expliquera à son avocate que, souvent, ils débutaient leurs jeux amoureux et sexuels par des «minouches dans l'dos».)

Le jeune homme s’exécute et commence doucement ses «minouches dans l'dos».  Malheureusement, il a avancé une main téméraire, sans permission, sans consentement, vers le sein de sa blonde/ex blonde.  Elle s’est fâchée et elle a porté plainte pour agression sexuelle.  Le dossier a suivi son cours devant la justice.

Pour moi, c’est une affaire qui n’aurait  pas dû être judiciarisée.  Mais ce n’est pas le sujet.

Le sujet, c’est que ce jeune homme se retrouve sur la carte des agresseurs sexuels du Journal de Montréal.  Avec tous les autres qui n’ont pas été condamnés et qui ne le seront peut-être jamais.

Billet publié initalement le 29 septembre 2012 sur mon blogue de Voir

mardi 2 octobre 2012

Prison provinciale / Pénitencier fédéral


Si Omar Khadr rapatrié arrive au Québec, il n’ira pas à la «prison de Sainte-Anne-des-Plaines», contrairement à ce qu’on vient tout juste d’entendre dans un bulletin de nouvelles, mais au Centre régional de réception, un pénitencier qui se trouve à Sainte-Anne-des-Plaines.
C’est vrai que ça peut être mêlant, puisqu’il y a quatre pénitenciers à Sainte-Anne-des-Plaines, mais aucune prison.

Billet éducatif

Il y a au Canada deux types d’établissements de détention.  Ceux qui relèvent de la province, c'est-à-dire du ministère de la Sécurité public du Québec et qu’on appelle des prisons, et ceux qui relèvent du fédéral, c’est-à-dire des Services correctionnels du Canada, et qu’on appelle des pénitenciers.

PRISONS

Les prisons provinciales reçoivent tous les prévenus ainsi que les condamnés à une peine de moins de deux ans.  Les prévenus sont ceux et celles qui attendent leur procès, ou leur sentence.  Pendant tout le processus judiciaire jusqu’au prononcé de la peine, les incarcérés sont des prévenus, et ils sont emprisonnés dans une prison provinciale, séparés des détenus déjà condamnés, quel que soit le type de crime pour lequel ils sont accusés.

Il y a de nombreuses prisons au Québec.  Bordeaux et Rivière-des-Prairies à Montréal;  Orsainville à Québec.  Il y a aussi une prison dans chacune des villes suivantes, prison qui porte le nom de la ville.  AmosBaie-ComeauChicoutimiHullNew-CarlisleRimouskiRobervalPercéSherbrookeSorelTrois-Rivières.

Pour les femmes, on parle encore ici des femmes prévenues ou des détenues ayant reçu une peine de moins de deux ans, il y a la prison Tanguay à Montréal, et le Secteur féminin de la prison d’Orsainville à Québec.

On aura compris qu’une femme prévenue est détenue à soit à Tanguay soit à Orsainville.  Si elle est accusée d’avoir commis un crime à Sept-îles, ou à Gaspé, et que les procédures s’étirent en longueur, elle voyagera beaucoup en fourgon cellulaire.   Mais en général, les prévenus québécois sont «barrouettés».  J’ai actuellement un client détenu à Rivière-des-Prairies alors que son procès est à Val-d’Or.  Comme avocat, on n’y peut pas grand-chose, l’hébergement est tributaire de la surpopulation du moment.

Enfin, il y a dans chaque palais de justice un quartier cellulaire (le bullpen) où les détenus attendent de monter en salle d'audience les jours où leur présence à la Cour est requise.

PÉNITENCIERS

Les pénitenciers fédéraux, encore une fois, reçoivent uniquement les personnes condamnées à une peine de plus de deux ans.  Ces pénitenciers sont classés selon le degré de dangerosité des détenus qu’ils accueillent.

Sécurité maximale

Les pénitenciers à «sécurité maximum» au Québec sont  DonnaconaPort-Cartier, et l’Unité spéciale de détention à Ste-Anne-des-plaines, ce dernier étant un «super maximum» où les résidents restent en cellule 23h sur 24, soit parce qu’ils sont dangereux, soit parce qu’ils nécessitent une protection accrue.

Sécurité modérée

Les pénitenciers à «sécurité médium» sont Archambault à Sainte-Anne-des-Plaines, CowansvilleDrummondLa Macaza, etLeclerc à Laval.

Sécurité minimale

Le Centre fédéral de formation à Laval, l’Établissement Montée-St-François à Laval (appelé aussi «B16»), l’Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines à Ste-Anne-des-plaines sont des pénitenciers à «sécurité minimum».  Les détenus peuvent y être hébergés dès le début de leur peine (après leur passage au Centre régional de réception), ou encore y être transférés après avoir fait preuve d’un bon comportement, voire d’une réhabilitation, dans un autre pénitencier.  Au Centre fédéral de formation, les détenus peuvent étudier, soit pour compléter une formation générale entreprise avant d’être condamnés, soit pour apprendre un métier.

Sécurité multiple

L'établissement de Joliette est le seul pénitencier pour femmes au Québec, on parle alors d'un pénitencier à sécurité multiple puisque toutes les détenues s'y trouvent quel que soit leur degré de dangerosité.  Mais attention à ce qu'on voit dans les téléromans, on n'y mélangera pas une cultivatrice de cannabis de 19 ans sans antécédents avec une meurtrière sadique de 45 ans. On ne verra pas non plus les détenues s'auto-médicamenter allègrement comme si elles vivaient en colocation.

Il y a aussi, et enfin, mais j’aurais pu commencer par lui puisque c’est le premier que tous les détenus fédéraux visitent :  le Centre régional de réception, à Sainte-Anne-des-Plaines, qui est aussi un pénitencier à sécurité multiple puisqu’il reçoit tous les détenus masculins en attente de «classement» quant au niveau de sécurité dont ils ont besoin, et en attendant qu’on vérifie dans quel pénitencier ils peuvent ou ne peuvent évoluer, selon leur type de criminalité, selon leur appartenance à un clan ennemi etc.  En langage correctionnel, on parle d’antagonistes.  On n’envoie pas un détenu à Cowansville si on sait qu’il s’y trouve des dizaines de personnes qui veulent sa mort.

Le Centre régional de réception est donc une escale obligée en vue de classement.  Dès qu’un juge prononce une peine de deux ans ou plus, le condamné sait qu’il va passer quelques mois, (je leur dis toujours de compter environ une saison), au Centre régional de réception à Sainte-Anne-des-Plaines,   qu’il vienne de Baie-Comeau ou de Mégantic ou qu'il se soit vu imposer une peine de 30 mois ou une peine à perpétuité.

C’est donc là qu’irait Omar Khadr si on l’amènait au Québec.  C’est dans la ville de Sainte-Anne-des-Plaines, mais ce n’est pas l’établissement Sainte-Anne-des-Plaines.

samedi 22 septembre 2012

L'affaire Dumont, à l'endroit


Michel Dumont a été trouvé coupable le 25 juin 1991 par un juge seul (et non par un jury) de menaces de mort, d’enlèvement et d’agression sexuelle armée.  Il a été condamné à purger une peine d’incarcération de 52 mois .

Il a porté le verdict en appel, a été débouté en février 1994 par la Cour d’appel du Québec, et il est donc parti purger sa peine à l’ombre du pénitencier de Cowansville.

En 1995, grâce à un mécanisme prévu à l’article 690 du Code criminel* l’épouse de Michel Dumont écrit à la ministre de la Justice de l’époque lui enjoignant d’enquêter sur la condamnation de son mari pour un crime qu’il n’a jamais commis.

La ministre mandate alors Me Isabel Shurman qui remet un rapport le 15 juillet 1998.

Toute l’affaire reposait sur une question de crédibilité, comme c’est souvent le cas des dossiers d’agression sexuelle. La version de l'un contre la version de l'autre.

Or, conformément au principe sacré de présomption d’innocence et dans l’application du fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable, le juge d’instance ne peut pas, devant deux versions contradictoires, se demander lequel des deux protagonistes est le plus crédibles.  Il existe un mécanisme de réflexion plus strict et le juge ou le jury est obligé de penser en suivant ce mécanisme :  1)  Si l’accusé est cru, il doit être acquitté, 2) si l’accusé n’est pas cru mais qu’il subsiste quand même un doute, il doit être acquitté, 3) s’il n’y a pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, il faut se demander si, devant l’ensemble de la preuve reçue (qui inclut le témoignage de la plaignante), on est convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé.

C’est ainsi que doit réfléchir le juge ou le jury devant une preuve qui repose sur des versions contradictoires.  Ce système a fait ses preuves et vise à éviter d’envoyer des innocents en prison.

L’affaire Dumont a ceci de particulier que la présumée victime a fait six déclarations après le procès, une fois l’accusé condamné, déclarations dans lesquelles elle remettait en question son témoignage sous serment.

La Cour d’appel a accepté cette nouvelle preuve que constituent les six déclarations de la plaignante et décidé que, compte tenu de cette preuve, aucun jury raisonnable, correctement instruit (c’est ça le critère, ça ne veut pas dire qu’il y a eu un jury ou qu’un deuxième procès aurait eu lieu devant jury) ne pourrait conclure en la culpabilité hors de tout doute raisonnable.


Podz a fait un film sur cette histoire juridique.  Podz n’a pas la prétention d’avoir fait un film sur la vie de Michel Dumont, sa famille, son enfance, ses amours, et ses déboires.

C’est un film qui porte sur une saga judiciaire : Le personnage a été condamné, puis acquitté.  Point à la ligne.  Le cinéaste pose au passage des questions sur la justesse, et la justice, de la mécanique judiciaire.  C'est son droit, c'est son art.  Et c'est sain de questionner.

Que des confrères se pointent à LCN pour dire que Michel Dumont est peut-être coupable malgré son acquittement par la Cour d’appel me scie les jambes.  Avec tout le mal que nous avons, nous autres juristes, à faire comprendre à la population l’importance de la présomption d’innocence et du doute raisonnable dans une État de droit, ces déclarations à l’emporte-pièce m’apparaissent plus que dangereuses.

Maintenant, Michel Dumont demande à l’État de le dédommager pour cette condamnation injuste qu’il allègue.  C’est encore une autre histoire.  C’est du droit civil.  On change de registre, de dimension.

En droit criminel, preuve doit être faite hors de tout doute raisonnable de la culpabilité des accusés.  Et heureusement.  Il en va de la liberté des êtres.  En droit civil, on doit plutôt faire le preuve de la responsabilité suivant la balance des probabilités, vous savez, la fameuse balance de la justice.  De quel côté pèse-t-elle le plus lourdement?

Pour obtenir un dédommagement de l’État après une condamnation injuste, il faut faire la preuve de la mauvaise foi de la Couronne ou de la police, ou à tout le moins, d’une réelle négligence.  Il faut prouver que la poursuite a été abusive, sans fondement aucun.  On ne peut pas obtenir un dédommagement chaque fois qu'on est acquitté, qu'un arrêt des procédures est prononcé par la Cour ou que la Couronne finit par abandonner sa poursuite.  Le droit civil reposant sur les notions de faute et de dommage, il faut toujours bien que la Couronne ait commis une faute dans sa décision de poursuivre sans quoi ce serait une véritable mascarade de réclamations.

Les affaires ProulxMarshall et Hinse sont parmi les rares cas où des dommages et intérêts ont été accordés à titre de remède pour des poursuites abusives soit à la suite d'un règlement avec le procureur Général, soit à la suite d'une décision judiciaire.

Dans le cas de Michel Dumont, il reviendra au tribunal de décider si la poursuite a été abusive, donc fautive, et s'il doit être conséquemment dédommagé pour le préjudice subi.

J'insiste.  Il reviendra au tribunal d'en décider.  Non pas à son ex, ou à sa sœur.  Ces gens toutefois, qui sont pris d'envies subites de passer à la télé, que ce soit en personne ou au téléphone, devront s'attendre à ce qu'on leur impose l'obligation corollaire d’aller témoigner, sous serment, devant le tribunal.  «Toute la vérité, rien que la vérité, dites je le jure».   Il y a des conséquences à s'exprimer publiquement sur des sujets aussi graves.  Il faudra les assumer.

Et on verra ce que le tribunal décidera.
* L'article 690 a été abrogé en 2002 et remplacé par les articles 696.1 et suivants.

jeudi 20 septembre 2012

Le monstre de St-Romain


Et voilà qu’une autre déclaration de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux dans une affaire affreuse de meurtres d’enfants vient secouer le Québec, avec tout ce que ça entraîne comme propos confus et tordus sur les médias sociaux comme à la une d'un certain média traditionnel...
On confond tout, et on tord la réalité.

Premier délire : Un autre acquittement !

Il ne s’agit pas d’un acquittement.  La personne est déclarée non responsable de ses gestes, et son dossier est déféré à la Commission d’examen sur les troubles mentaux qui, assurément dans un cas de meurtre, enverra la personne en garde fermée à l’hôpital psychiatrique pour une période indéterminée.
Un période «indéterminée», évidemment, c’est n’est pas une période «infinie».  Dans la mesure où la personne guérira, évidemment, son cas sera réévalué.  Comment pourrait-on vouloir que ce soit autrement?

Deuxième délire : Encore un autre!

Il faut retenir d’abord que c’est rare.  Rare qu’un individu qui a tué reçoive un verdict de non responsabilité criminelle.  La preuve, on n’a que Turcotte en tête, on ne se souvient d’aucun autre cas.
Il faut ensuite comprendre que dans le cas du triple meurtre de St-Romain, c’est la poursuite, l’État, qui a suggéré au juge, conjointement avec la défense évidemment, ce verdict de non responsabilité criminelle.  Quand la poursuite arrive au constat que la personne n’était pas en mesure de distinguer le bien du mal au moment du geste posé, ou encore qu’elle était incapable de juger de la nature de ses actes, c’est qu’elle a été éclairée de nombreuses opinions d’experts psychiatres qui ont diagnostiqué un trouble sérieux.

Troisième délire : Les psychiatres sont payés pour dire ce que veut la défense.

D’abord, c’est faux.  Il nous arrive souvent, en défense, de faire évaluer un client en croyant qu’il a un grain, alors que le rapport psychiatrique nous revient sans soutenir notre impression initiale.  Ensuite, ici, dans le cas des meurtres de St-Romain, ce sont les psychiatres de la Poursuite qui ont conclu que l’accusé était malade.  Ils n’avaient certainement pas de commandes en ce sens.

De toute manière, nous ne commandons rien aux psychiatres légistes, nous leur demandons une opinion.  Quand tous les experts s’entendent pour dire que la personne ne savait pas ce qu’elle faisait, ou ne distinguait pas le bien du mal, la Couronne n’ira pas faire un procès inutilement.  Elle connaît d’ores et déjà le verdict.

Quand bien même ce serait le juge qui nommerait les experts, il faudrait que plusieurs opinions soient données sans quoi le procès serait injuste, la psychiatrie n’étant pas une science exacte, et le rôle de décider de la culpabilité n’étant pas celui de psychiatre:  c’est le rôle du juge des faits (C'est-à-dire le juge ou le jury).

En aparté, je tiens à souligner que les psychiatres de la Couronne sont drôlement mieux payés que les psychiatres de la défense le sont.  Par exemple, les experts de la Couronne (pas seulement les experts en médecine) ont presque toujours des honoraires pour assister à l’entièreté du procès.  Jamais nous n’avons ces moyens en défense.

Quatrième délire :  Il va sortir dans un an

Mais voyons!  Un individu schizophrène qui a commis un triple meurtre sur une commande divine ne sortira pas dans 1 an.  Oubliez ça.

Cinquième délire : Sa place est en prison.

Il y a là un double délire.  Car ces gens qui réclament la prison pour les malades mentaux sont aussi ceux qui considèrent les prisons comme des clubs Med.  Il faut se brancher.  Pourquoi vouloir, dans un esprit de vengeance, faire séjourner un malade mental qu’on veut punir dans un club Med?

Ensuite, il est clair que la place d’un malade mental n’est pas en prison.  Sa place est à l’hôpital psychiatrique.  Il en va de même pour le malade qui a commis un crime grave.  Les agents des services correctionnels ne sont pas psychiatres, ils ne peuvent pas gérer la maladie mentale.  Les détenus encore moins.  Comment peut-on vouloir placer une personne schizophrène dans la même cellule qu’un condamné sain d’esprit.

Sixième délire : Il faut durcir le Code criminel

Le Code criminel, à l’article 16, prévoit qu’une personne est non criminellement responsable si preuve est faite que 1) elle ne faisait pas la distinction entre le bien et le mal au moment du crime ou 2) elle était incapable de juger de la nature et de la qualité de ses actes au moment du crime.  J’en ai déjà parlé ici.
C’est le psychiatre, ou le neuropsychologue en cas de déficience intellectuelle, qui vient éclairer le tribunal sur la condition de l’accusé quant à l’un de ces deux critères.  Il n’y a aucune ouverture à un autre motif de non responsabilité criminelle.

La dépression, le trouble de la personnalité, l’anxiété, ne donnent pas ouverture à une défense de non responsabilité pour cause de troubles mentaux, sauf si, évidemment, l’un ou l’autre de ces troubles aura plongé le malade dans un épisode psychotique.  Et avant qu'on ne reparle de Magnotta, ou de Bain:  Non, le psychopathe, ou le sociopathe, ne sont pas en soi des malades mentaux au sens du droit criminel.

Enfin, un diagnostique de troubles schizophréniques, ou de psychose, n'emporte pas nécessairement une déclaration de non responsabilité criminelle.  Encore une fois, il faut que l'un ou l'autre des critères du Code criminel soit rencontré.  Il n'est pas rare que des psychiatres, témoignant à la Cour, diagnostiquent a posteriori un épisode psychotique sans que le juge ne considère que cette psychose ait empêché l'accusé de savoir que le geste qu'il posait était mauvais.  L'exemple le plus récent qui me vient en tête est cette triste affaire du meurtre d'un sans-abri.

Septième délire: Il feint la folie

Est-ce que les gens croient sérieusement qu'un individu sain d'esprit peut feindre un délire psychotique devant une batterie de psychiatres, que les psychiatres ne savent pas cerner le théâtre, et que les juges et les jurés se laissent ensuite berner à leur tour par des faux fous?  Un peu de sérieux...

Huitième délire : Il faut juger l’acte et non l’état d’esprit.

Ce serait une abomination.  Le droit criminel, la responsabilité pénale, repose sur l’intention mauvaise et il ne pourrait pas en être autrement sans qu’on se retrouve dans un système de justice quasi animal.  Pour être condamné, un accusé devait avoir l’intention coupable de commettre le crime.  C’est la base.

♦♦♦

J’entendais ce matin le sénateur Boisvenu dire que le Québec est champion des déclarations de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux au pays.  En fait, je l’ai entendu souvent marteler cette phrase sensationnelle.  Or, jamais il n’a mentionné ses sources.

Je n’ai pas fait de recherche moi-même, mais je serais bien étonnée que, dans le reste du Canada, les juges et les jurés soient plus enclins à condamner, et à envoyer en prison, une personne qui n’avait aucunement conscience de ses gestes en commettant le pire.  Parce que ce serait barbare, et rien dans la jurisprudence pan canadienne n’indique que la justice est plus barbare là-bas qu’au Québec.

Chaque fois que j'ai cherché de la jurisprudence au Canada en matière de troubles mentaux, je n'ai jamais perçu un germe de distinction à faire.

On ne peut tout simplement pas, dans une société civilisée, condamner quelqu'un qui n'a eu aucune conscience des gestes posés, qui était une autre personne au moment de les commettre, ou encore qui a la certitude d'avoir reçu la commande de Dieu pour commettre ce qu'il jugeait à tort être le Bien.

Et on ne peut pas revenir, ad vitam æternam, sur le cas de Guy Turcotte.  J'ai déjà dit ici ce que j'en pensais et mon opinion n'a pas changé.  Qu'il demande maintenant de sortir de Pinel me choque évidemment.  S'il est guéri, qu'il prenne son trou et cuve sa peine...  S'il en a.  Mais c'est une toute autre histoire et ça ne nous autorise pas à cracher sur le verdict de onze de nos concitoyens.

vendredi 7 septembre 2012

Ce qu'on peut dire sur Richard Bain


Il y a eu ce soir d’élections un attentat contre…  Contre qui ou contre quoi?  Une femme? Les femmes? Une première ministre? Contre une péquiste, contre les péquistes? Contre une francophone, contre les francophones?  Contre une indépendantiste, lesindépendantistes?  Contre des gens, tout simplement?
Contre un homme assurément…

Page couverture de Châtelaine, édition spéciale de ce mois-ci

Il ne s’agit pas, en tous cas, d’une tentative d’attentat, comme je l’ai entendu dans certains médias.  Un attentat est une «agression criminelle contre une personne, une institution»[1].  Quand on est face à un mort, un blessé et un incendie, on ne peut pas parler de tentative d’agression.  Il y a eu attentat.

Mais il est trop tôt pour dire contre qui était dirigé cet attentat de Richard Bain même si tout porte à croire qu'il était dirigé contre Pauline Marois.  Parce qu'elle est indépendantiste, oui, mais aussi parce qu'elle est une femme.  Il est peut-être même vain de poser la question, puisqu’on ne le saura probablement jamais.  La Couronne, partie poursuivante, peut avoir une thèse à soumettre pour expliquer le geste, ce qu’on appelle un mobile, mais elle n’est jamais tenue de faire cette preuve  pour obtenir condamnation.  De son côté, l’accusé n’est jamais forcé de témoigner.

Il est donc possible que Richard Bain subisse un procès, soit condamné ou acquitté, sans que jamais nous n’ayons d’explications véritables sur ses motivations le soir du 4 septembre 2012.

Il est possible aussi que Richard Bain ait été fou au moment de commettre le pire.  Fou au sens juridique, j’entends.  Car le trouble mental au sens clinique n’est pas le trouble mental au sens juridique.  Un psychiatre, trois psychiatres, huit psychiatres peuvent diagnostiquer chez un accusé une maladie mentale sans qu'elle ne réponde à la définition légale du trouble mental.

Mais il ne faut pas non plus se laisser emporter par notre choc collectif récent : la maladie mentale donne rarement ouverture à un verdict de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, surtout au terme d’un procès, et surtout au terme d’un procès de meurtre. Lorsque quelqu’un est clairement malade, et qu’il était clairement absent ou moment du crime, habituellement, la poursuite et la défense s’entendent pour que cette personne soit soignée plutôt que punie.  C’est arrivé tout dernièrement à St-Romain, en Estrie.

Si Richard Bain était incapable de distinguer le bien du mal au moment du meurtre de Denis Blanchette, ou s’il était incapable de savoir ce qu’il était en train de faire, il deviendra inutile de savoir si son geste avait une portée symbolique puisqu’il aura été en plein délire.  Que ce soit du délire politique, ou religieux, le délire peut difficilement être assimilé à un discours idéologique.

Bref, nous ne savons rien non plus de son état d’esprit, et nous ne saurons rien avant le terme de son procès.

Mais avons-nous le droit, collectivement, et c'est là où je veux en venir, avons-nous le droit de poser des questions et de tenter des réponses.  D’essayer de comprendre.  D’exprimer des doléances.  Je crois que oui.  Il n’y a pas que le juridique, dans la vie.

On se souvient de polytechnique, évidemment.  Mû par une haine des femmes, Marc Lépine entre dans cet établissement d’enseignement et tue 14 futures ingénieures.  On ne saura jamais si Marc Lépine était délirant au moment de commettre son atrocité, puisqu’il est mort.  Sauf qu’on a assez d’indices pour affirmer qu’il détestait les femmes.  Les propos tenus au moment des meurtres et la liste de noms de femmes à abattre retrouvée sur lui sont plus qu'explicites.

On se souvient qu’au lendemain du drame, le pire drame de l’histoire du Québec dans ma mémoire de femme, il était interdit de taxer le geste de misogyne sans se faire traiter de lesbienne radicale.  Il fallait dire qu’il s’agissait d’un «geste isolé».

Isolé.  Geste isolé.  J’espère bien que tous les meurtres sont des gestes isolés!  De la même manière qu’un crime d’honneur a une portée idéologique, tout en étant isolé au sens où il n’est pas endossé par tous les membres des communautés où de tels crimes se commettent parfois.

Isolée.  Geste isolé.  Breivik a commis le pire des gestes isolés de l’histoire de l’Europe depuis la deuxième guerre.  A-t-on quand même le droit de rapporter qu’il agissait en raison de sa haine religieuse envers les musulmans?  A-t-on quand même le droit de souligner au passage que cette haine, elle, n'est pas nécessairement isolée?  Le geste n’est est pas moins singulier, mais faut-il tout taire?

Richard Bain a prononcé des paroles à connotation politique immédiatement après le fait.  On parle d’un comportement post délictuel et d’une déclaration spontanée.  On parle de res gestae.

Alors qu’on le veuille ou non, les paroles de Richard Bain feront l’objet d’un débat au moment de son procès, si procès il y a.   Débat sur leur admissibilité, d’abord, mais si elles sont admises, elles seront traitées comme le reste de la preuve.

Si la Poursuite, c’est-à-dire le ministère public, c’est-à-dire l’État, peut mettre en preuve des paroles pour prouver le mobile d’un crime, je ne vois pas pourquoi, collectivement, nous ne pourrions pas traiter ces paroles pour nous questionner sur leur sens.  Calmement, évidemment.


Billet publié également ce même jour sur mon blogue du VOIR.  Les commentaires sont fermés ici, mais ils sont ouverts là-bas.


[1] Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, Wilson & Lafleur, 1994, p. 47.

jeudi 23 août 2012

Mon cher patron, «le beau juge Beauregard»


Le 14 juillet 2012, l’honorable Marc Beauregard, celui que toutes les secrétaires, les greffières et les recherchistes de la Cour d’appel appellent «le beau juge Beauregard» a eu 75 ans.  Les hommes, se gardant une petite gêne, disent plutôt «le bon juge Beauregard».

L’honorable Marc Beauregard, donc, a eu 75 ans le 14 juillet.  C’est dire qu’il a dû quitter ses fonctions.  Les juges deviennent surnuméraires à 65 ans, c’est-à-dire concrètement qu’ils siègent cinq semaines par année, puis ils doivent prendre leur retraite à 75 ans.

Sauf erreur, le juge Beauregard était le doyen des juges du Québec.  Il avait été nommé à la Cour supérieure en 1975 à l’âge de 38 ans, puis à la Cour d’appel en 1980 à 43 ans.  Il était donc juge depuis 37 ans.

Et quel juge!  Et quel homme!  Et quel boss!

Il a été mon premier patron après mon inscription au tableau de l'ordre.  Je l’ai aimé, et je l’aime encore, pour toutes ses qualités de juriste et d’humain.  Un homme de jugement, de justice, et d’équité.  Un homme de morale et d’éthique.  Un homme d’une grande valeur, d’une grande intelligence.  Un homme vrai, doublé d'un sensible pince-sans-rire.

Son départ de la Cour d’appel s’est fait en silence.  Parce qu’il était lui-même silencieux.  Les relations publiques, les terrains de golf et autres cocktails bénéfice, très peu pour lui.  Il était discret.  Il n’était pas partie aux soirées, il rentrait à la maison, et prenait son verre de vin rouge, et sa cigarette, avec sa femme.  Ensemble ils s’occupaient, et s’occupent encore certainement, de leurs petits-enfants.  C’est avec des amis qu’il jouait au bridge, et avec sa famille, non pas avec des collègues.  Il fumait une cigarette, parfois dans mon bureau, en cachette de lui-même, quand il avait arrêté.

Il m’a fait lire les Rumpole’s de John Mortimer.  C’était impératif : «Tu veux faire du droit criminel, tu dois connaître Rumpole».  Je m’attendais à un traité de droit pénal et je tombe sur un humour juridique jubilatoire.

Le juge Beauregard a toujours pris son travail à cœur, et il a toujours été préoccupé par les décisions qu’il devait rendre.  Sans violer le secret du délibéré, je sais intimement qu'il avait le souci de ne jamais se mettre au lit le soir perturbé à l’idée d’avoir peut-être pris la mauvaise décision.  Combien de fois suis-je arrivée au bureau pour découvrir sur ma boîte vocale de nombreux messages de mon patron, messages laissés pendant la nuit, au fil de ses réflexions.

Comme tous les juges, il n’aimait pas que ses décisions soient renversées par une instance supérieure, c’est-à-dire dans son cas par la Cour suprême du Canada.

J’ai le souvenir de son humour jaune et noir, en 2003, alors que la Cour suprême venait de «le casser».  Je lui téléphone pour parler de l’arrêt rendu et j’entends «ça ne me fait rien, ça ne me fait rien de tout, ça ne me dérange aucunement» sur un ton qui, évidemment, voulait dire le contraire.  Puis il a ri.

Quand moi-même, une fois devenue avocate de la défense, je lui écrivais pour me lamenter de mes défaites, il m’intimait de ne pas me décourager.  «On s’essuie et on recommence».

Son dernier jugement important, loué par les avocats de la défense, a été l’affaire Venneri sur le crime de gangstérisme.  Il a été renversé par la Cour suprême tout récemment.  Je dois évidemment respecter la décision du plus haut tribunal du pays, mais ça m’attriste, non seulement comme criminaliste, mais pour le juge Beauregard.  J’espère que cette même Cour réservera un autre sort à son ratio decidendi dans l’affaire de Lola.

En matière de détermination de la peine, il existe un principe suivant lequel une sentence doit seoir au délinquant comme un gant.  Selon moi, le juge Beauregard est un des juges québécois qui respectait le plus cette maxime, capable qu’il était de rendre des décisions créatives, quitte à s’éloigner de la jurisprudence, pour être certain en son âme et conscience qu’il imposait une peine juste.

Il existe aussi, toujours en matière de détermination de la peine, un principe suivant lequel une sentence doit être la moins privative de liberté possible.  Encore une fois, le juge Beauregard avait à cœur cette règle et la suivait rigoureusement.  Nul besoin d’avoir été sa recherchiste et d’être dans le secret des dieux, on n’a qu’à lire ses opinions pour comprendre qu’il n'a pas tellement la foi en la réhabilitation en prison…

C'est un homme de loi, bien plus qu’un homme de jurisprudence.  Un homme de jugement, de bon sens, et encore une fois, parce que je n’insisterai jamais assez, un homme de justice et d’équité.  Un homme de droit, un homme droit.  Il ne faisait pas l’unanimité, certes, surtout auprès des juristes qui apprécient les logorrhées, car ses jugements étaient souvent brefs, et parfois incisifs.  Des jugements humains, comme lui.

Il a été souvent dissident.  Comme les juges progressistes Laskin, Spense et Dickson de la Cour surpême au début des années ’80.  On parlait, sourire en coin, de «la dissidence LSD», sachant que souvent, les opinions dissidentes d’une époque deviennent l'état de droit d’une époque ultérieure.

Le juge Beauregard avait, et il a certainement encore, une vision large et progressiste du Juste, et du Bien.  J'entends ici le Juste platonicien et du Bien kantien.  J'ai aussi l'intime conviction que, rétrospectivement, l'ensemble de son oeuvre juridique n’aura pas été renversée,  bien que certaines décisions sporadiques l'aient été, et ses opinions, même dissidentes, seront toujours citées au moment de revoir des principes.

Bonne retraite, patron!