lundi 25 juillet 2011

Justice de classes?

Non, il n'y a pas de justice à deux vitesses au Québec

Je suis en désaccord avec cette idée qui circule actuellement selon laquelle la justice québécoise est une justice de classes.

Même quand il s’agit de textes bien écrits comme celui de ma meûman, je me sens le devoir de réagir, sans vouloir en faire une affaire de famille.

Réglons la question du litige civil de Claude Robinson

Claude Robinson serait, selon la plupart de ceux qui le côtoient, totalement anéanti par l’arrêt de la Cour d’appel qui a réduit la somme à laquelle ses adversaires avaient été condamnés à lui verser en première instance.

Il semblerait que Robinson doive, grosso modo, 3 millions de dollars en frais d’avocates, alors que la Cour d’appel lui aurait versé 2 millions de dollars.  Grosso modo.  Je n’ai pas étudié les conclusions de la décision , et la facture de ses avocates relève pour l'instant de la rumeur publique.

Ce qui fait de Claude Robinson un perdant, c’est donc la décision de la Cour d’appel de réduire les montants accordés.  C’est la décision de la Cour d’appel d’intervenir et de modifier le jugement de première instance.  Mais ceci n’a rien à voir avec une justice à deux vitesses, puisque Robinson a,  justement, requis les services d’avocates chèrement rémunérées.

Claude Robinson a donc fait défendre ses droits en première vitesse sur une route à péage.  S’il existait une justice à deux vitesses, on ne pourrait pas dire que Claude Robinson a subi la justice de la deuxième vitesse.

Être choqué du vol dont il a été victime, évidemment;  Être choqué de la décision des juges de la Cour d’appel de revoir à la baisse le montant dû, c'est possible.  Mais rien dans tout ça ne s’apparente à une justice de classe.

Encore Guy Turcotte

Guy Turcotte était cardiologue.  Il n’est pas impossible que, dans l’ensemble de la preuve considérée, les jurés aient pris en compte sa profession en se disant quelque chose comme « Il soigne les gens, il est aimé et compétent comme médecin, indice supplémentaire qu’il avait perdu la boule ».  Possible.  On ne le saura jamais.  Mais cela n’a rien à voir avec le fait qu’il était riche et avait les moyens de se payer un avocat.

Il a retenu les services de Mes Guy et Pierre Poupart, deux avocats brillants avant d’être des avocats princiers.  Je vous l’affirme, vous parlez à travers votre chapeau.  Il existe des avocats criminalistes au Québec, et surtout à Montréal, que personne n’aurait les moyens d’embaucher à moins d’être le Éric à Lola.  Pierre et Guy Poupart ne font pas partie de cette caste de défenseurs des riches, eux qui n’hésiteraient pas à représenter un individu accusé sur un mandat d’aide juridique s’ils croyaient à sa cause.

Turcotte a donc engagé des avocats, comme quiconque le fait lorsqu’il est poursuivi par l’État.  Sans vouloir rien enlever au talent de mes confrères, il aurait pu avoir gain de cause même avec un avocat payé sur la base d’un revenu annuel versé par l’aide juridique.

Il a embauché des experts?  Mais évidemment!  L’aide juridique aussi paie les frais d'experts  lorsque nous en avons besoin.  Et les experts entendus au procès Turcotte acceptent aussi de travailler dans un dossier où le client est bénéficiaire de l'aide juridique.

Des pauvres qui gagnent

L'honorable Sophie Bourque
La juge Sophie Bourque a arrêté les procédures dans une cause de meurtre en 2009.  Les accusés étaient cinq jeunes haïtiens qui bénéficiaient de l’aide juridique.  La Couronne en a appelé de la décision, ils sont allés en appels sur l’aide juridique, ont perdu, et ils sont attente d’une décision de la Cour suprême sur leur demande d’autorisation d’appel, toujours sur l’aide juridique.

En 2000, la Cour d’appel confirmait que les aveux de Michel Otis, accusé du meurtre de sa belle-fille devaient être exclus.  Décision importante puisque sans ces aveux, il ne restait plus de preuve du meurtre.  Michel Otis était un individu appartenant à une classe très défavorisée.

Gregory Wooley a été acquitté d’un meurtre au premier degré alors que ses avocates, Mes Cristina Nedelcu et Me Annie Bédard le représentaient sur un mandat d’aide juridique.

Ma consoeur Véronique Courtecuisse vient tout juste de gagner un appel relatif à une extradition hors du pays.  Elle représentait son client sur l’aide juridique.

Des riches qui perdent

Maurice Boucher a retenu les services de Me Jacques Larochelle, avocat et mathématicien.   S'il est réputé pour posséder cinq cerveaux, jamais on n'a dit de lui qu'il coûtait les yeux de la tête.  Maurice Boucher a été condamné.

Parlant du grand Maître Larochelle, il a aussi échoué, en 1990, à faire déclarer Denis Lortie non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux pour sa fusillade au Parlement.

Guy Cloutier avait embauché Sophie Bourque alors qu’elle était encore avocate.  Une avocate aussi talentueuse qu’intelligente.  Il a plaidé coupable et a été condamné à purger une peine tout ce qu’il y a de plus raisonnable.

Me Nellie Benoît
Jocelyn Hotte, ex policier de la GRC, était représenté par trois avocates compétentes –Nellie Benoît, Anne-Marie Lanctôt et Johanne St-Gelais, cette dernière ayant été nommée juge depuis- pour son appel à la Cour suprême visant à renverser sa condamnation.  Il a perdu.

Même si la décision a été renversée en appel et qu'il a donc finalement été acquitté, Guy Lafleur avait été condamné en première instance après avoir retenu les services de Me Jean-Pierre Rancourt.

Myriam Bédard a perdu sa cause tant en première instance qu'en appel et a été trouvée coupable d’enlèvement d’enfants.  La Cour suprême a refusé de l'entendre.

En 2002, Louis-Jacques Olivier, fils d’un riche concessionnaire automobile à Longueuil, a été condamné à une peine de prison en première instance et il a perdu son appel visant à faire réviser sa sentence.

Je pourrais remplir des pages et des pages d’exemples comme ceux-là.  Je voudrais quand même terminer en rappelant que madame Andrée Ruffo n'est plus juge pour avoir été déboutée par tous les tribunaux et comités qui ont eu à se pencher sur ses déboires judiciaires.

Il y a certes un problème d’accès à la justice au Québec, et les avocats permanents de l’aide juridique, à l'instar de leurs vis-à-vis de la Couronne, ne sont pas suffisamment bien traités.  Même chose pour les avocats de pratique privée qui acceptent des mandats d’aide juridique : ils sont traités comme des moins que rien.

Il n’empêche que les accusés sont bien représentés qu’ils soient riches ou pauvres, et qu’il n’y a aucune, mais aucune équation à faire entre le succès d’une cause et les moyens du client.

Si c’était vrai, nous le saurions.

jeudi 21 juillet 2011

GAMMA

- Profilage politique et idéologique - 

Je ne suis pas en vacances de blogue, et oui j'ai beaucoup à dire sur l'escouade GAMMA de la division du crime organisé du SPVM, escouade chargée d'enquêter sur les mouvements militants, disons-le, les mouvements militants de gauche.

J'ai toutefois décidé de le dire d'abord à « jepenseque.voir.ca ».


Montage:  Simon Jodoin



Vous êtes donc proudhonien ou proudhoniste? Eh, morbleu! vous avez un moyen simple de vous satisfaire. Jetez votre bourse dans la Seine, ne vous réservant que cent sous pour prendre une action de la Banque d’échange. 
– Frédéric Bastiat, Œuvres complètes, 1863, tome V, p. 64-93

Je représente les quatre jeunes militants étudiants arrêtés jusqu’à maintenant dans la foulée de la création de l’escouade GAMMA du SPVM.


samedi 9 juillet 2011

Être jugé par ses pairs

Le procès devant jury

Image tirée du film Douze hommes en colère

Le procès devant jury fait partie de la culture juridique dans la plupart des sociétés démocratiques.  Historiquement, le fait d’être jugé par des pairs plutôt que par un seul individu membre d’une élite intellectuelle rassurait les justiciables sur la justesse de la décision à être rendue.
Il y a aujourd’hui un amoindrissement de cet écart des classes, mais le procès devant jury demeure pertinent, puisque comme on l’apprend en première année de droit criminel, douze têtes valent mieux qu’une.
Douze têtes, mais aussi douze individualités, douze schèmes de valeurs différents, douze porteurs de bagages différents, douze citoyens de milieux, de classes et de scolarités diverses.
Quand on a le sort d’un individu entre les mains, cette diversité assure, il me semble, une décision qui ne peut pas être subjective.
Le choix du type de procès
Au Canada, quiconque commet un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement de plus de 5 ans a droit à un procès devant jury.  Il existe aussi des crimes pouvant être jugés devant jury malgré qu’ils soient passibles d’une peine de 2 ans à 5 ans.  C’est le choix de l’accusé, c’est son droit.
Les procès pour meurtre sont jugés automatiquement devant juge et jury, à moins que l’accusé fasse la demande d’être jugé devant juge seul et que le ministère public y consente.  C'est excessivement rare que cela se produise.
Je n’ai pas fait d’études statistiques, mais je dirais que les jurys acquittent moins qu’avant, d’où le moins grands nombres de procès devant jury ces dernières années.  Je suis donc d'autant plus pantoise devant les réactions provoquées cette semaine:  on parle d'abolition du procès devant jury alors que j'ai la nette impression que ces procès, règle générale, sont à la satisfaction de ceux-là même qui en réclament l'abolition.
En matière de trafic de stupéfiants, par exemple, les 10 dernières années semblent nous enseigner qu’il vaut peut-être mieux, pour l’accusé, d’être jugé par un juge unique.  Ceci est une opinion bien personnelle cependant, et tout dépendra toujours du dossier.
La sélection du jury
C’est à partir de la liste électorale, au hasard à travers la liste, que les citoyens sont appelés à se présenter à la Cour pour participer à la sélection d’un jury.

Jury au procès d'OJ Simpson

Certaines personnes sont d’emblée inhabiles.  Les ministres, les prêtres et les avocats sont de celles-là.  Quand bien même elles le voudraient, elles ne pourraient pas faire partie d’un jury.
Les candidats jurés doivent, à tout le moins, faire preuve d’impartialité.
Tous les candidats jurés qui se présentent devant le tribunal lors de la sélection en manifestant des préjugés seront exclus.  On parle alors de récusation pour cause, et le juge peut récuser pour cause autant de candidats jurés qu’il le souhaite.  Il n’y a pas de limites.
Il existe aussi, en nombre limité, des récusations péremptoires.  Chaque partie a donc droit de récuser, sans raison, douze candidats jurés.  C’est une affaire de flaire. 

Anecdote : Alors que j’étais étudiante en droit, j’avais été appelée comme candidate jurée.  Après discussion avec mes profs, il avait été convenu que l’expérience serait précieuse puisque je voulais faire du droit criminel et donc qu’on aménagerait ma session pour que je puisse y participer.  Au juge Boilard j’ai répondu aux questions, entre autres celle de mon occupation : étudiante en dernière année de droit à l’UQAM.  L’avocat de la Couronne, Normand Chénier, s’était dit satisfait de ma candidature, mais j’ai été récusée péremptoirement par l’avocat de la défense!   (Salut, Me Boudreault! )

Le procès

Jury au procès de Francis Proulx

Pendant un procès devant jury, le juge qui préside est maître du droit.  Toutes les questions strictement juridiques sont débattues, et tranchées, devant le juge en l’absence du jury.  Ceci vise évidemment à préserver son impartialité.
Justement parce qu’il n’a pas de formation juridique, il pourrait être difficile pour le juré d'enfouir dans un casier de son cerveau une preuve illégale dont il a pris connaissance.  Car c'est ainsi que les choses se déroulent lors d'un procès devant juge seul:  celui-ci peut décider de l’illégalité d’une preuve, et l’exclure, pour ensuite rendre un verdict en sachant que cette preuve sans la considérer.
Le cas le plus patant, sans doute, celui d’un aveu.   Si la police obtient d’un accusé l’aveu de sa culpabilité par des moyens illégaux, ou abusifs, le juge pourra exclure cet aveu.  Et si l’ensemble de la preuve ne vaut rien sans cet aveu, il devra acquitter l’accusé, qui pourtant s’était mis à table.  Difficile à accepter peut-être, mais c’est là une question de justice.  Oui, de justice.  Nous ne voulons pas vivre dans une société où des aveux sont illégalement obtenus.  Le risque que ces aveux ne constituent pas la vérité devrait suffir à expliquer le fondement de la règle.
Il en va du droit et de la justice, ce ne sont pas là des technicalités. 
Le jury, pour sa part, est maître des faits.  Être maître des faits implique être maître de la preuve, ce qui comprend la preuve d’expert comme la preuve testimoniale.  C’est au jury que revient la tâche d’évaluer le poids d’une preuve par rapport au poids d’une autre;  c’est au jury que revient la tâche d’évaluer la crédibilité et la sincérité d’un témoin.

Les directives du juge au jury
Lorsque la preuve est close, les parties plaident.

Jury au procès de Guy Turcotte

À la fin des plaidoiries, le juge donne des directives au jury, c’est-à-dire qu’il leur résume la théorie de la Couronne et celle de la défense, il rappelle l’ensemble de la preuve, il explique les éléments constitutifs de l’infraction en cause, il explique ce qu’est le doute raisonnable, il explique quelle est la défense de l’accusé, s’il y a lieu. (Tous les accusés de présentent pas de défense puisque c'est la poursuite qui doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité).  Enfin, le juge soumet au jury les verdicts possible.  Par exemple, pour revenir sur ce sujet difficile, dans le cas du procès de Guy Turcotte, le juge David a probablement expliqué au jury qu’un verdict d’acquittement était impossible, l’accusé ayant reconnu les faits. 
Le verdict
Les jurés se retirent, délibèrent, et décident.  Ils doivent être unanimes.  Lorsqu’ils n’arrivent pas à s’entendre, les jurés reviennent devant le tribunal qui habituellement les exhorte d'y parvenir.
Malgré cette exhortation, il arrive parfois que ce soit l’impasse : aucun verdict n’est possible et le procès est avorté.  Je pense, ces dernières années, au procès Norbourg et au procès de Gregory Wooley.  Dans une telle situation, le procès va le plus souvent recommencer.  Gregory Wooley, représenté par Mes Cristina Nedelcu et Annie-Sophie Bédard, a été acquitté lors de son second procès.
On peut se dire déçu, triste et fâché par le verdict d’un jury, mais on peut difficilement prétendre, à moins d’avoir été présent au procès tous les jours, que c’est un verdict sans fondement rationnel et encore moins qu’il est injuste.
J’ai aussi envie de rappeler qu’en général, quand un jury condamne, la population applaudit;  quand le jury acquitte, ou excuse, la population gronde.  Même phénomène, d’ailleurs, quand il s’agit de la décision d’un juge unique.  Deux poids, deux mesures.  As usual, en matière de justice pénale.  Les jurés sont compétents lorsqu'il s'agit de condamner, mais il deviennent inaptes lorsqu'il s'agit d'acquitter.  Les juges ont pris la bonne décision de condamner, mais sont dans l'erreur quand ils acquittent ou arrêtent les procédures.  C’est un peu lassant à la fin.
J’aurais envie que soit instauré un cours de droit obligatoire au niveau secondaire, puis un autre au niveau collégial, et que ce cours traite surtout des droits fondamentaux et de justice pénale… 

Je vous invite à lire ce texte de Guillaume Bourgault-Côté , journaliste au Devoir et ancien juré : 

mardi 5 juillet 2011

Ils étaient onze, un peu de respect

Guy Turcotte non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux

Me Guy et Pierre Poupart
Évidemment, la population est assomée par le verdict rendu dans le procès de Guy Turcotte.
Évidemment, on est portés à confondre la personnalité peu sympathique de l’accusé avec sa déclaration de non responsabilité criminelle.
Non, GuyTurcotte n’a pas été déclaré non criminellement responsable en raison d’un trait de la personnalité narcissique qu’il porterait.  Non, il n’a pas été déclaré non criminellement responsable simplement parce qu’il faut être fou pour tuer ses enfants.  Non, il n’a pas été déclaré non criminellement responsable parce que quiconque fait une dépression peut tuer ses enfants.
Il n’y a pas de message à décoder dans ce verdict, pas de déduction à faire, pas de généralité à émettre.
Il faut seulement comprendre que le jury, formé par onze personnes, onze de nos concitoyens,  a décidé, après avoir entendu tous les témoignages, lu toutes les expertises et analysé l’ensemble de la preuve; que ces onze personnes, donc, ont décidé, à l'unanimité, que « le monstre » était vraiment en état de déséquilibre mental au moment des faits.
Aussi, à ceux qui prétendent que ce verdict "fera jurisprudence", il faut comprendre qu'on ne plaide pas la jurisprudence devant un jury.  on le fait devant un juge.

Le droit
C’est l’article 16 du Code criminel qui prévoit la défense de troubles mentaux.  Cet article prévoit que la responsabilité criminelle d’une personne ne peut pas être engagée si cette dernière, au moment du crime, soit ne faisait pas la distinction entre le bien et le mal, soit n’était pas en mesure d’apprécier la nature et la qualité de ces actes.
Ce sont les seuls critères.  Et ils sont stricts.  L’accusé doit être incapable de distinguer le bien et le mal ou incapable d’apprécier la nature et la qualité de ses actes.  Ce sont des critères juridiques qui n’ont pas à être conformes aux critères médicaux de la maladie mentale.
Je n’ai pas pris connaissance de la preuve au procès Turcotte, mais je crois que le jury a jugé l’accusé non responsable en raison du deuxième critère, c’est-à-dire son incapacité, au moment des faits, à apprécier la nature et la qualité de ces actes. 
Une personne peut être schizophrène sans être incapable de faire la distinction entre le bien et le mal lorsqu’elle comment un geste répréhensible.  C’est dire qu’une personne peut être cliniquement schizophrène sans être, de manière permanente, non criminellement responsable d’un crime.
À l’inverse, un individu peut être « sain » d’un point de vue clinique dans le sens où il n’a pas de maladie mentale permanente, tout en étant aliéné mentalement au point de vue juridique.
C’est sur l’accusé que repose ce fardeau de faire la preuve qu’il était mentalement malade au moment du crime et ce fardeau est celui de la balance des probabilités, c'est-à-dire un fardeau moins lourd que celui qui pèse sur la Couronne de faire la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Le jury, juge des faits et de la preuve
Le jury est le maître des faits.  Le juge est maître du droit.
Le procès de Guy Turcotte est une affaire de faits : selon la preuve entendue, y compris celle des psychiatres, est-ce que Turcotte était fou, ou pas, au moment de tuer ses enfants. 
Ce sont les faits, tous les faits, et toute la preuve, qui a amené la décision du jury.
C’est en ce sens que je disais qu’il ne faut pas en faire une généralité.  Peu de situations sont semblables en matière de troubles mentaux et on n’a pas à s’inquiéter du fait que désormais tous les parents dépressifs pourraient tuer leurs enfants et bénéficier d’une déclaration de non responsabilité criminel.
Se rappeler des deux critères : Faire la distinction entre le bien et le mal ou savoir apprécier la nature et la qualité de ses gestes.
Ce ne sont évidemment pas toutes les dépressions, ni toutes les psychoses, qui vont faire en sorte que ces critères juridiques de la folie sont remplis.
(Voir à ce sujet mon billet La folie et le crime sur ce blogue)
Le droit d’appel
Une question a été beaucoup posée dans les médias sociaux : est-ce que la Couronne peut en appeler de ce verdict?
Oui, la Couronne peut aller en appel si elle juge que 1) le juge a émis des directives aux jurés erronées en droit, 2) le jury a rendu un verdict déraisonnable, c'est-à-dire un verdict insensé compte tenu de l’ensemble de la preuve. 
Avec respect pour l’opinion contraire, je serais bien étonnée que la Couronne puisse soutenir que ce verdict de non responsabilité criminelle ne repose sur rien.  On a quand même deux psychiatres, peut-être trois avec l’expert de la Couronne de Docteur Louis Talbot, qui ont donné l’opinion selon laquelle l’accusé était ne pouvait pas juger de la nature et de la qualité de ses actes au moment des faits.
Avec respect pour l’opinion contraire, je serais aussi bien étonnée que le juge Marc David ait donné aux jurés des directives qui commandaient une verdict de non responsabilité criminelle.

Du respect 
Bref, les jurés ont pris cette difficile décision.  Une décision qui mérite du respect, comme le dur labeur qu'ils ont accompli pendant ces trois longs et pénibles mois de procès.
Être en désaccord?  Bah…  Quand on n’a pas assisté au procès, ça ne vaut pas grand-chose.

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Nota - 6 juillet 2011:  Je ne publie aucun commentaire qui appelle à la violence, ni les commentaires misogynes où la personne coupable des crimes devient Isabelle Gaston.

Nota - 19 juillet 2011:  Aucun commentaire anonyme ne sera plus publié désormais.  

vendredi 1 juillet 2011

Affaire DSK - Coup de théâtre.



Coup de théâtre dans l’affaire Dominique Strauss-Kahn : le procureur du ministère public remet en doute la crédibilité de son seul témoin, la plaignante, dans cette cause d’agression sexuelle.
Dans la foulée de cette information, de nombreuses erreurs sont lues et entendues dans les médias traditionnels comme dans les médias sociaux.
 J’entendais d’ailleurs à l’instant à RDI l’animatrice dire que ce sont « Les avocats de la victimes » qui ont révélé ces incohérences dans ses déclarations antérieures.
Qui est l’avocat de qui? Qu’est-ce qu’une plaignante? Pourquoi des mensonges anciens sur d’autres sujets sont-ils graves?

D’abord, l’avocat du ministère public, le « District Attorney », n’est pas l’avocat de la plaignante.  C’est le ministère public.  Il est l’avocat de l’État.  Du peuple.  Voilà pourquoi les causes américaines sont répertoriées « People vs. DSK ».  Le District Attorney est l’équivalent du Procureur de la Couronne au Québec, désormais appelé Procureur aux poursuites criminelles et pénales.  L’équivalent au Canada anglais, en Angleterre et en Australie du « Crown prosecutor ». 
On peut aussi dire, bien que les transpositions soient difficiles dans le système français, qu’il s’agit de l’équivalent du Parquet.
Les avocats de Stauss-Kahn sont les avocats de l’accusé.  Ceci ne pose pas de problème de compréhension entre les différents systèmes.

L’avocat de la plaignante, il n’a rien à faire dans la procédure pénale.  Elle a embauché un avocat en vue d’une poursuite civile j’imagine, parallèle ou ultérieure, mais cet avocat n’a aucun rôle à jouer en matière criminelle.  Il n’existe pas.
Je l’ai déjà écrit sur ce blogue, je le répète, il n’y a pas de partie civile dans un procès criminel en Common Law.  La victime n’est pas représentée, elle est un témoin.  Elle est, en l’espèce, le témoin principal de Ministère public.
Les doutes du Ministère public sur les allégations de la plaignante
C’est l’avocat du ministère public qui a exprimé des doutes quant à la véracité des allégations de la plaignante.
Dans une lettre adressée aux avocats de Dominique Strauss-Kahn, le District Attorney a exposé plusieurs éléments qui mettent en doute la crédibilité de la plaignante de manière large.  Elle aurait menti, entre autres, concernant un viol collectif qu’elle aurait subi dans le passé.
Ces informations ont été communiquées par le ministère public à la défense parce que dans le système de Common Law, la divulgation complète de la preuve que possède le poursuivant à la défense est obligatoire.  Encore une fois, le procureur de l’État représente le peuple et la justice, il n’a pas de cause à gagner, et il doit tout divulguer à la défense, même les éléments de preuve disculpatoires.
Pourquoi est-ce si grave?
Parce que le ministère public a lui seul le fardeau de faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé.  Dominique Stauss-Kahn en l’occurrence. 
Si son témoin principal n’est pas crédible, la cause est quasiment perdue d’avance.  Comment faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé quand le témoin principal est un menteur.
En Common Law, la poursuite présente sa preuve.  Imaginons le procès de Dominique Strauss-Kahn où la poursuite présente une plaignante qui, visiblement, ment à tout vent.
La défense n’étant pas obligée de présenter quelque preuve dans un procès en Common Law, pas même le témoignage de l’accusé, il y a peu de chances qu’un jury soit d’avis que le ministère public a fait la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l’accusé avec ce témoignage peu digne de foi
Aussi, s’il y a eu parjure devant le grand jury par la plaignante, elle s’expose à une peine de prison[1]. 
Les accusations contre Dominique Strauss-Kahn seront-elles abandonnées?
Il est toujours possible de penser qu’un jury pourrait décider que, malgré son manque de crédibilité à certains égards, la plaignante a quand même été victime d’une agression sexuelle.
Je doute cependant de la continuité des procédures dans un contexte où le représentant du ministère public n’a lui-même plus confiance en son principal témoin.  Mais ça reste techniquement possible.




[1] Une peine maximale de 14 ans au Canada.  Suite à une revue rapide de la jurisprudence, je dirais que la peine moyenne pour un parjure au Canada est de 12 mois de prison.