mercredi 13 janvier 2021

Prise trois: Le Tribunal déclare l'accusé coupable d'agression sexuelle


Comme en 2018 et en 2019, j'ai recensé des décisions de la Cour du Québec sur la culpabilité ou l'innocence d'accusés d'agression sexuelle.

J'ai utilisé la même méthode qui n'a rien de scientifique.  Il s'agit d'une consultation des jugements répertoriés sur le site de  L'Institut canadien d'information juridique, où l'accusé est majeur, et je n'ai considéré que les verdicts, pas les peines.

Sur 21 verdicts répertoriés -ce qui est très peu, en raison de la pandémie sans doute- on retrouve huit acquittements. C'est un nombre très élevé d'acquittements si on réfère aux deux années précédentes.

Chaque décision peut être consultée en cliquant sur sa référence.



R. c. R.P., 2020 QCCQ 1462, 6 février 2020, la juge Renée Lemoine

 👉 Accusé condamné


R. c. Levrault, 2020 QCCQ 3141, 26 février 2020, le juge Éric Côté

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Le Tribunal retient qu’en se retournant sur le ventre à la suite des attouchements de l’accusé, la plaignante lui manifeste qu’elle ne désire pas ses avances. L’accusé savait ou devait savoir que la plaignante ne consentait pas à l’activité sexuelle subséquente. En agissant de la sorte, l’accusé a fait preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire quant à l’absence de consentement de la plaignante».

 

R. c. Hébert-Ledoux, 2020 QCCQ 976, 2 mars 2020, le juge Pierre Belisle

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Accepter le raisonnement de la défense mènerait à une conclusion fondée sur des mythes et stéréotypes voulant qu’une personne victime d’agression sexuelle ne puisse postérieurement s’inquiéter d’un ami totalement ivre qui a perdu son chemin après avoir uriné dans la rue sans se soucier du regard d’autrui. En l’espèce, le comportement postérieur de la plaignante n’est pas incompatible avec celui d’une victime d’agression sexuelle. En cette matière, la jurisprudence reconnaît que les victimes ne réagissent pas toutes de la même façon»

 

R. c. Spitzer, 2020 QCCQ1176, 12 mars 2020, le juge Christian M. Tremblay 

 👉 Acquittement

 

R. c. Henri, 2020 QCCQ 1444, 13 mars 2020, le juge Manilo Del Negro 

 👉 Acquittement


R. c. Grine, 2020 QCCQ 2167, 10 juin 2020, la juge Joëlle Roy

 👉 Acquittement


R. c. S.J., 2020 QCCQ 2331, 16 juin 2020, le juge Mario Tremblay

 👉 Accusé condamné

Note:  Dans la foulée de l'arrêt Friesen (2020 CSC 9) de la Cour suprême, l'accusé, Stéphan Joachim, qui peut maintenant être identifié parce que la victime a souhaité prendre la parole publiquement, a reçu la peine maximale de 14 ans de pénitencier.

L'affaire est portée en appel.

 

R. c. Hall, 2020 QCCQ 2332, 18 juin 2020, le juge Bertrand St-Arnaud

👉 Accusé condamné

 

R. c. S.D., 2020 QCCQ 2755, 26 juin 2020, la juge Danielle Côté

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Tenant compte de son âge au moment des évènements, du délai écoulé depuis et de l’ensemble de son témoignage, ces contradictions n’entachent pas la crédibilité et la valeur probante de son témoignage : l’avocat de l’accusé insiste sur le fait qu’il est anormal, si elle a été marquée par les gestes, qu’elle ne se souvienne pas du début.

Le Tribunal ne partage pas cet avis : dans un premier temps, Z n’a jamais témoigné d’un « traumatisme » particulier. Bien sûr, elle n’a pas apprécié le contact et c’est la raison pour laquelle elle en parle à son père, mais il ressort de son témoignage que, ce qui la désole le plus, c’est qu’elle est triste que la situation ait entraîné pour son père la perte d’un ami qu’il appréciait.

Dans un second temps, il s’agit d’un évènement qui dure un très court laps de temps et la partie la plus « marquante » de cet évènement est lorsqu’il met sa main sur sa vulve : elle n’a jamais changé de version à cet égard.

L’avocat de l’accusé insiste aussi sur le fait qu’il est particulier qu’elle accepte de retourner avec l’accusé : encore ici, il s’agit d’un raisonnement stéréotypé sur la façon dont devrait réagir une victime après un attouchement non désiré. Par ailleurs, le fils de l’accusé est présent, ce qui est à même de la rassurer.»

 

R. c. Lussier, 2020 QCCQ 4343, 17 juillet 2020, le juge Marc-Nicolas Foucault

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Le Tribunal est conscient que la victime se présente avec des caractéristiques personnelles qui font en sorte que les notions temporelles et les détails s’entremêlent. Sa version, quoique considérée comme sincère, renferme des contradictions sur les deux évènements qui se sont déroulés en l’espace de 24 heures, il y a moins d’un an.

À cet égard, notre Cour d’appel nous rappelle que « chaque témoignage comporte son lot d’imprécisions, de nuances, et parfois même, d’incohérences ou de contradictions. »

Mais au final, le Tribunal a la conviction qu’elle dit la vérité quand elle parle des agressions sexuelles. La preuve n’est pas parfaite, mais ce n’est pas le degré de preuve requis. La version de la victime est suffisamment crédible pour conclure à la commission des infractions, et ce, hors de tout doute raisonnable.»

 

R. c. Lemus, 2020 QCCQ 3134, 3 juillet 2020, la juge Maria Albanese

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Or, l’absence de désaccord exprimée par la plaignante aux attouchements sexuels n’est pas une invitation à des contacts sexuels plus insistants ou plus énergiques.  L’accusé ne peut pas dire qu’il croyait que «non voulait dire oui».

La plaignante n’a pas besoin de manifester l’absence de consentement ou la révocation de son consentement. Le consentement doit être donné librement et expressément renouvelé et communiqué pour chaque acte sexuel»

 

R. c. Fruitier, 2020 QCCQ 2618 , 22 juillet 2020, le juge Marc Bisson

  👉 Accusé condamné


R. c. Balde, 2020 QCCQ 3002, 28 juillet 2020, le juge David Simon

 👉 Acquittement


R. c. Larouche, 2020 QCCQ 2924, 5 août 2020, la juge Alexandra Marcil

 👉 Acquittement


R. c. Joyal Demers, 2020 QCCQ 3312, 7 août 2020, le juge Normand Bonin 

 👉 Acquittement


R. c. Boisvert, 2020 QCCQ 3878, 24 septembre 2020, le juge Jacques Trudel

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Non seulement l'accusé rapporte que la plaignante lui a dit ne pas vouloir avoir de rapports sexuels avec lui, ne pas vouloir coucher avec lui, ne pas avoir de contacts sexuels avec lui parce qu’il est marié et que cela va contre ses principes, l'accusé déclare même qu’elle lui a ainsi fait un peu la morale ce avec quoi manifestement il était en désaccord. L'accusé a le droit à ses opinions à ce sujet et donc d'être en désaccord, mais la raison pour laquelle une plaignante n'est pas consentante n'est pas pertinente à la question du consentement ou de la croyance erronée, mais sincère au consentement.

Par ailleurs, le comportement de la plaignante n'a pas été, contrairement à ce que l'accusé semble vouloir prétendre, ambigu. L'accusé ne rapporte aucune avance ou geste intime ou affectueux de cette dernière à son endroit. Le seul fait de lui avoir dit l'avoir déjà vu en « boxers » au gym et qu’il était bel homme ne pouvait permettre à l'accusé de croire qu'elle était consentante à des attouchements sexuels surtout à la suite du refus clairement exprimé.»


R. c. Ratt, 2020 QCCQ 5386, 15 octobre 2020, la juge Alexandra Marcil

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«La version de l’accusé n’est pas crue. Il avait connaissance du fait que la plaignante ne consentait pas à avoir des relations sexuelles avec lui. Même en l’absence de connaissance, la mens rea serait tout de même satisfaite puisque la conduite de l’accusé dans les circonstances correspond à de l’insouciance ou de l’aveuglement volontaire. En outre, l’accusé n’a pas pris les mesures raisonnables, dans les circonstances dont il avait connaissance, pour s’assurer de la validité du consentement de la plaignante. Il admet lui-même qu’il ne s’est même pas demandé si la plaignante était trop saoule pour consentir à la relation sexuelle et qu’il ne lui a pas demandé. La défense de croyance sincère au consentement exprimé n’est pas applicable.»

 

R. c. Bitemo Kifoueti, 2020 QCCQ 5773 , 29 octobre 2020, le juge Serge Cimon

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Or, l’accusé n’a pris aucune mesure raisonnable pour s’assurer du consentement de celle-ci. Il a plutôt choisi de ne pas se renseigner et de se fier à ses impressions. En fait, la preuve démontre que l’accusé faisait du « wishful thinking » et cherchait à se persuader du consentement de X. Au lieu de prendre des mesures raisonnables, l’accusé s’autorise plutôt, unilatéralement, à caresser les seins de X lorsqu’elle se penche vers lui.»

 

R. c. Chaouachi, 2020 QCCQ 6683, 12 novembre 2020, la juge Mylène Grégoire

 👉 Accusé condamné

Extrait intéressant:

«Après que la plaignante ait expliqué l’état d’incompréhension et de choc dans lequel elle se trouvait durant les événements, la défense lui a demandé si elle avait cherché à blesser l’accusé ou à mordre son pénis durant la fellation, ce à quoi elle a répondu « Non ».

 

Le lien suggéré ici par la défense relève des mythes et stéréotypes sur le « comportement attendu » d’une victime d’agression sexuelle et qui ne peut nullement servir de fondement au moment d’apprécier sa crédibilité».

 

R. c. Rozon 2020 QCCQ 8498, 15 décembre 2020, la juge Mélanie Hébert

 👉 Acquittement

 

R. c. Salvail, 2020 QCCQ 8704, 18 décembre 2020, le juge Alexandre Damau

 👉 Acquittement