mardi 23 août 2016

Richard Bain coupable de meurtre au deuxième degré


Richard Henry Bain vient d'être déclaré coupable de meurtre au second degré et trois tentatives de meurtre.

Mais lire les commentaires, y compris ceux de certains juristes, à la retraite ou non; à écouter les journalistes, judiciaires ou non; à lire les titres, judicieux ou non, Richard Bain vient d'être trouvé coupable d'un «meurtre non prémédité».





Comme si la préméditation était le seul facteur de classification des meurtres.



À entendre certaines personnes peut-être trop émotive, ce verdict est déraisonnable du seul fait qu'il ne soit pas celui du meurtre au premier degré.


Comme s'ils étaient tous plus compétents que le juge Cournoyer pour expliquer à douze jurés ce qu'est un meurtre. Parce qu'il faut comprendre une chose de base: si le verdict de meurtre au second degré a pu être prononcé, c'est que le juge a «ouvert» ce verdict et qu'il était donc juridiquement possible.




Commençons par le commencement. Le Code criminel:

Il existe deux catégories de meurtres : ceux du premier degré et ceux du deuxième degré.
Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré.
(Je souligne).

On note la présence du mot ET. La proposition est conjonctive et non disjonctive. Le meurtre au premier degré est donc un meurtre qui a été commis de manière préméditée ET de propos délibéré. 
Les deux sont nécessaires pour qu'on soit face à un meurtre au premier degré.
En anglais, le meurtre au premier degré, le first degree murder se dit «planned and deliberate murder». 
Le meurtre au deuxième degré, c'est un meurtre au deuxième degré. Second degree murder.
Il est erroné de dire que Richard Bain a été déclaré coupable d'un meurtre non prémédité. Pourquoi? Parce que la condamnation sur un meurtre au deuxième degré ne signifie pas que le meurtre n'était pas prémédité. Ça signifie qu'il n'était pas prémédité ET de propos délibéré.
Et selon la preuve que nous connaissons du procès de Richard Bain, même sans y avoir assisté, laisse croire qu'il y a eu préméditation. Mais la préméditation n'emporte pas le propos délibéré. D'où l'erreur récurrente et lassante.


Pour obtenir une condamnation sur un chef de meurtre au premier degré, il faut que soient prouvés hors de tout doute raisonnable à la fois la préméditation et le propos délibéré.

Yves Desgagnés demandait plus tôt à Sophie Thibault ce que ça prend pour avoir un verdict de meurtre au premier degré. La réponse est pourtant simple: ça prend un meurtre au premier degré c'est-à-dire un meurtre qui est non seulement planifié mais intelligemment délibéré. Le problème, et l'incompréhension générale, vient du fait qu'il formulait mal sa question puisqu'il nommait «meurtre prémédité» le «meurtre au premier degré».


À l'école, on apprend souvent que la préméditation est la planification, et que le propos délibéré est la réflexion. Le meurtre au premier degré doit avoir été planifié et mûrement réfléchi. On peut planifier un meurtre sans pour autant s'asseoir et réfléchir à ce qu'on s'apprête à faire. On peut planifier un meurtre sans pour autant dresser la liste des pour et des contre.



Dans les directives que le juge Cournoyer a données au jury, il leur a bien expliqué ces concepts.



Il leur a sans doute donné des directives qui s'apparentent à ce qui suit (je souligne):


Afin d’établir qu’il y a eu meurtre au premier degré, la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable non seulement que Richard Bain avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre, mais aussi que le meurtre a été commis avec préméditation et de propos délibéré. L’expression « avec préméditation et de propos délibéré » n’est pas un synonyme du terme « intention ».  
Par exemple, un meurtre commis de façon impulsive et non réfléchie, même lorsque l’accusé avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre, n’est pas un meurtre avec préméditation et de propos délibéré.
C’est le meurtre lui-même qui doit être commis avec préméditation et de propos délibéré, non pas un autre acte commis par Bain.

De plus, les termes « préméditation » et « de propos délibéré » n’ont pas le même sens.

Le terme « préméditation » désigne un plan. (…)

Il n’est pas nécessaire que le plan soit complexe. Il peut être très simple. Prenez en considération le temps qu'il a fallu pour le mettre au point, non pas le temps écoulé entre sa mise au point et son exécution. Une personne peut préparer un plan et le mettre à exécution immédiatement, tandis qu’une autre peut laisser s’écouler un temps appréciable avant de mettre le plan à exécution.

Le terme « de propos délibéré » signifie « projeté, non impulsif », « pensé, réfléchi ».

Il vous appartient de décider si le meurtre commis par Bain a été commis avec préméditation et de propos délibéré. Pour trancher cette question, vous devez examiner tous les éléments de preuve[1].



Examiner toute la preuve implique d'examiner les témoignages des psychiatres.

Il se peut fort bien que le jury ait conclu que le meurtre commis par Bain a été planifié, prémédité, sans que la preuve ait été faite hors de tout doute raisonnable de son caractère délibéré en raison de son état d'esprit confus.

Il s'agit dans les deux cas d'une déclaration de culpabilité pour un meurtre. Infraction la plus grave au Code criminel qui emporte automatiquement une peine de prison à perpétuité.
Lorsqu'il s'agit d'un meurtre au premier degré, la période avant d'être admissible à une libération conditionnelle est établie à 25 ans.
Lorsqu'il s'agit d'un meurtre au deuxième degré, cette période peut se situer entre 10 et 25 ans, selon ce que décidera le juge.
Et dans tous les cas, il s'agit toujours tout de même d'une peine de prison à vie. Le fait que la personne condamnée puisse demander une libération ne veut pas dire qu'elle obtiendra cette libération qui restera, à perpétuité, une libération conditionnelle. 
La question de la peine la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle se posera le 6 septembre. Et oui, à ce moment, le juge pourra -ou devra- prendre en considération le contexte des crimes c'est-à-dire leur caractère politique.
En attendant, et pour l'avenir, il serait important que les médias cessent de parler de meurtres prémédités et de meurtres non prémédités pour parler des meurtres au premier et au second degré. Ça devient mêlant pour certains, et lassant pour d'autres.