mercredi 13 avril 2011

Les modifications ultraconservatrices au Code criminel canadien – Partie 1


De nombreuses modifications au Code criminel ont vu le jour sous l’égide des conservateurs.  Parmi ces modifications, l’abolition de la computation en double du temps purgé en détention provisoire.
Pourquoi le temps purgé par un accusé pendant les procédures
comptait-il en double, le plus souvent?
Parce que cet accusé détenu est encore présumé innocent.   Il faut comprendre que la remise en liberté est la règle, et que la détention est l’exception…  Détenir quelqu’un avant même qu’il n’ait subi son procès peut choquer, surtout quand on pense à la possibilité d’acquittement ou à toute autre forme de libération comme le retrait des accusations ou l’arrêt des procédures.
Parce que la détention du prévenu est plus aride que la détention du condamné : les accusés sont trimballés n’importe quand et n’importe comment d’une prison à l’autre, ils ne bénéficient d’aucun programme de réinsertion, de toxicomanie, de contrôle de la colère etc. Pendant cette période, les visites-contacts sont rares, bref, les conditions de détention sont, pourrait-on dire, doublement plus difficiles à vivre.
Parce que les libérations conditionnelles ne tiennent pas compte du temps passé en détention préventive dans leurs calculs pour accorder une sortie au tiers de la sentence, par exemple.  Cela signifie qu’une fois condamné, l’individu qui a reçu une peine identique à son co-détenu, mais mais après avoir passé 2 ans en détention préventive, restera en prison plus longtemps que ce co-détenu qui a été libre pendant les procédures.  Incohérence.  Inéquité.
Enfin, et je reprends les paroles si sensées de la juge Louise Mailhot « Parce que l’accusé (…) est placé dans une situation d'incertitude face au résultat ultime de son procès et n'est pas alors toujours dans l'état mental requis pour entreprendre un processus de réhabilitation »*. 
Les conservateurs ont enlevé aux juges un pouvoir discrétionnaire qui leur permettait de prononcer des sentences plus logiques, et plus justes.  Ils ont aussi enlevé aux parties une bonne raison de négocier un plaidoyer de culpabilité, s’il y a lieu, alourdissant ainsi le processus judiciaire déjà complexe et couteux.

*    R. c. Masse, [1996] R.J.Q. 564

5 commentaires:

  1. Olivier Bachelet13 avril 2011 à 07:46

    Très bon billet ! Merci beaucoup !

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  2. Je suis découragé. J'ai recensé beaucoup de ces changements au Code criminel. J'ai même écrit à nos élus à quelques reprises pour essayer de leur faire entendre raison. Peine perdue. On dirait que les citoyens qui ont à coeur que le système fonctionne bien sont ignorés. Est-ce que nous parlons dans le vide? Je vais retweeter. Continuez votre série.

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  3. Merci Véro pour ces informations très intéressantes enfin on à l'heure juste! Tu n'aimerais pas te présenter aux élections STP :-)
    Francine Boisvert

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  4. Très intéressant billet. Cette modification m'avait échappé. Expliqué avec brio ! Merci Véro !

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  5. Certains détaillent m'échappent...

    1- Parce que cet accusé détenu est encore présumé innocent. - Je veux bien, mais ça change quoi exactement pour la personne qui sera acquittée, que son temps ait compté simple ou double en préventif?

    2- « Parce que l’accusé (…) est placé dans une situation d'incertitude face au résultat ultime de son procès et n'est pas alors toujours dans l'état mental requis pour entreprendre un processus de réhabilitation ». - Encore là, avcc tout le respect que je dois à la juge Mailhot, en comptant le temps en double, il passera moins de temps en prison ensuite... donc, en quoi ça va aider sa réhabilitation/réflexion?

    3- Les conservateurs ont enlevé aux juges un pouvoir discrétionnaire - si seulement c'était vraiment discrétionnaire. J'ai vu cette règle appliquée à la lettre dans tous les jugements auxquels j'ai assisté dans les dernières années. J'ai même vu des juges continuer à l'appliquer après que la loi fut adoptée...

    Je crois que deux choses ont choqué le public. Cette application systématique de la règle du préventif compte double, peu importe le cas ou la situation. Et l'abus par certains avocats d'étirer les procédures, sans que ça ne soit nécessairement indument, mais quand même, prendre son temps pour que le client accumule le plus de temps compte double possible. Je l'ai vu assez souvent.

    J'aurais aussi préféré que le juge conserve toute la lattitude possible à ce niveau, mais d'un autre côté, je comprends très bien pourquoi une telle décision des conservateurs a pu être populaire auprès de certains groupes et même du grand public.

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