Des questions m’ont été posées concernant l’aptitude à subir un procès à la suite de mon billet sur la responsabilité criminelle .
Non, il ne s’agit pas des mêmes notions.
La responsabilité criminelle réfère à la capacité qu’avait la personne accusée de former l’intention coupable au moment de poser le geste. L’aptitude à subir un procès réfère à la capacité d’une personne à vivre ou à comprendre des procédures judiciaires au moment où s’enclenche ce processus judiciaire.
La question de l’aptitude à subir un procès se pose, le plus souvent, au moment où un accusé comparaît. Elle peut être soulevée par la Couronne, par la défense, ou par la juge*. Il s’agit simplement de s’assurer que la personne accusée est apte, au moment précis où la procédure a lieu. Être apte veut dire comprendre ce qui se passe, comprendre les accusations portées et être en mesure de donner des instructions à son avocat. Aussi, sauf lorsque l’inaptitude porte sur une incapacité cognitive (ie : un retard mental) une personne inapte à subir son procès peut revenir apte 30 jours plus tard. Pensons à la personne en état de choc, où à la personne qui a besoin de médication.
La question de la responsabilité criminelle se pose à la fin de la preuve présentée par le ministère public. Il s’agit d’un moyen de défense. C’est le fait, pour un accusé, d’avouer la commission du crime tout en se disant avoir été incapable de comprendre ce qu’il faisait, lorsqu’il le faisait. Bien que cela soit très rare devant des accusations graves comme des accusations de meurtre, il est possible, et fréquent, que devant la preuve d’expert, la Couronne admette que la personne ait été malade au moment du crime et consente à la déclaration de non responsabilité. Le procès n’aura alors pas lieu.
Ainsi, une personne peut très bien être apte à subir un procès, tout en prouvant, en bout de ligne, n’avoir pas eu l’intention criminelle requise pour être condamnée. Cette personne se voit alors déclarée non criminellement responsable, malgré qu’elle ait été déclarée apte à subir le processus judiciaire.
À l’inverse, une personne peut être inapte, au moment des procédures qui débutent et tout au long de celles-ci, sans avoir été inapte au moment du crime.
C’est ainsi qu’il ne faut pas grimper dans les rideaux lorsqu’on apprend aux infos qu’un juge a envoyé un accusé se faire évaluer afin de déterminer s’il est apte ou inapte. D’abord, il s’agit d’une mesure de prudence qui n’implique pas que l’accusé reviendra étiqueté « inapte ». Ensuite, cela ne signifie pas qu’il sera inapte ad vitam ӕternam. Enfin, en cas d’inaptitude permanente, personne n’a intérêt dans une société civilisée à ce qu’une personne mentalement malade ou déficiente intellectuellement subisse un procès auquel elle ne comprend rien et soit jetée en prison. Pensons au scandale Simon Marshall qui a plaidé coupable à des accusations d'agressions sexuelles sans comprendre ce qui se passait...
La folie, ce n'est pas une panacée. la folie, c'est de la souffrance, même dans les sphères de la justice criminelle.
* L'avocat de la défense est souvent "coincé" avec un client visiblement inapte, mais qui refuse systématiquement de se faire évaluer en psychiatrie (maladie mentale) ou en neuropsychologie (capacités cognitives). Souvent, dans l'intérêt de celui-ci, il faudrait arriver à la convaincre qu'il doit être évalué, mais c'est souvent vain. Le juge peut ordonner d'office qu'un examen soit subi, mais c'est aussi bien souvent la Couronne qui, constatant le comportement de l'accusé, demande au juge à ce qu'il soit évalué.
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