mercredi 18 mai 2011

Dominique Strauss-Kahn

Je me suis mise au lit hier soir avec l’intention de faire un billet sur l’hystérie entourant l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn.  Puis, au réveil, mon billet devenait inutile parce que Yves Boisvert avait tout dit ce que j’avais envie de dire dans son article « DSK ou le choc des cultures ».
Et puis non.  J’ai décidé d’en rajouter une couche.  Alors voilà.
Dominique Strauss-Kahn a été arrêté aux États-Unis, un pays de Common Law, pour des crimes à caractère sexuel.  Sept chefs d’accusation en tout, dont un de séquestration.  Évidemment, il ne pourrait pas être déclaré coupable de tous ces chefs en vertu de la règle interdisant les condamnations multiples pour un même acte, lors d’un même événement.
Sept chefs, donc, difficilement transposables en droit canadien.  Il aurait été accusé, ici, d’agression sexuelle (simple, avec lésions ou grave, selon les faits) et de séquestration.  La tentative de viol n’existe pas au Canada, puisque le viol (qui n’existe plus comme crime depuis 1983)  est un acte de pénétration, et que la tentative de pénétration est, en soi, une agression sexuelle. 
Donc Dominique Strauss-Kahn a été arrêté, mis en accusation, et sa demande de remise en liberté sous caution a été rejetée. Étonnant oui et non, tout le monde l’a dit, l’esquive de Polanski a dû effleurer l’esprit de la juge dans sa réflexion.
Et maintenant, il se tait.  Évidemment qu’il se tait!  Il a la chance d’avoir le droit au silence.  Un accusé qui parle, c’est presque toujours un accusé qui se met les pieds dans les plats.  Alors il se tait, et il fait bien de se taire.  Pourquoi parlerait-il? Pour se disculper?  Allons donc! Qu’il clame son innocence à ce stade-ci ne changera rien: la justice ne le lâchera pas pour son beau verbe.  Il serait même interdit, pour le juge ou le jury, de considérer ce qui a été dit hors de la salle d'audience.
S’il ne plaide pas coupable, il aura un procès.  Et s’il veut, j’ai bien dit s’il veut parler, il le fera à ce moment-là.  Mais il ne sera pas non plus obligé de le faire.  Le juge ne lui demandera même pas son nom. En Common Law, on ne fait pas causette avec les juges, ni à la Cour, ni dans son bureau.  En Common Law, on répond aux questions de notre avocat, devant le juge, puis aux questions de l’avocat du ministère public si, et seulement si, on a choisi de témoigner. 
Dans une cause d’agression sexuelle où il semble que la défense de l’accusé en soit une de consentement, il est bien évident qu’il serait peu judicieux de ne pas faire témoigner l’accusé, à moins que, vraiment, la preuve du ministère public soit si ridiculement faible que jamais elle n’aura su prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. 
Jamais la poursuite ne pourra mettre en preuve ses élans pour les femmes dont on parle dans les médias...  Même s'il témoigne, il sera impossible de tenter de le faire passer pour un tombeur et de parler de son passé, et des rumeurs, à moins qu'il tente lui même de faire ce qu'on appelle une preuve de bonne réputation.  Pourquoi? Parce que la valeur probante de telles allégations est trop faible eu égard au préjudice que cela causerait à l'accusé, dans l'optique d'un procès juste et équitable. 

C’est ainsi. Le fardeau de la preuve repose exclusivement et entièrement sur les épaules du ministère public.  Et lorsque la présentation de cette preuve est close, l’accusé a le choix de présenter une défense ou non. 
L’accusé aura eu l’opportunité, avant la preuve de la poursuite (ou pendant, ou après, s'il y a lieu), de faire exclure des éléments de preuve obtenus de manière abusive.  Comme des aveux par exemple, qu’il aurait pu faire aux policiers lors de son arrestation, avant qu’on ne lui ait lu ses droits.  Ou encore une substance corporelle qui aurait été prélevée sans mandat et sans autorisation.

La Constitution américaine, et la jurisprudence américaine, feront en sorte que Dominique Strauss-Kahn ne sera pas traité différemment d’un autre.  J'ai confiance.  La justice américaine ne se décide pas selon la tête du client… 
Pour ce qui est de la plaignante, elle est un témoin dans la cause.  L’État poursuit, et la plaignante est son témoin principal, certes, mais un témoin quand même.  Ni plus, ni moins. 
Aussi, rappelons-le, l’État n’a pas de cause à gagner.  L’État veut seulement que justice soit rendue.  (Bon, évidemment, il y a les égos des avocats qui peuvent avoir envie de gagner lorsqu'ils sont convaincus que leur dossier est béton, mais le principe demeure: la Couronne (ici), et l'État (là-bas) n'a pas de cause à gagner).
Il n’y a pas de partie civile en Common Law Pas de crises de nerfs, donc,  d’une partie totalement partiale qui veut la mort de l’accusé.  Non, la plaignante n’est pas une partie au dossier, elle n’est pas représentée par avocat ni rien.  Je le répète, elle est un témoin.  Alors, il faudrait penser à lui fiche un peu la paix.  Elle ira témoigner quand elle sera appelée à le faire.
Si elle n’est pas crédible, elle ne sera pas crue.  Et si elle n’est pas crue, l’accusé sera acquitté sans même avoir eu à dire un mot.  Pas même son nom.

Véronique Robert

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