«Il emportera son secret dans sa tombe». Voilà ce qu’on dit poliment du suicide en prison de Paul Laplante, accusé –avant de mourir- du meurtre de son épouse Diane Grégoire.
Poliment, car il s’agit de ce que j’ai entendu hier aux infos à LCN. Dans les médias sociaux, c’est moins lisse, et d’autant plus affolant. «Hourra, un procès évité», «lâche jusqu’à la fin», «La peine qu’il méritait». Commentaires d’amis d’amis que j’ai eu l’horreur de lire sur Facebook.
Évidemment, la présomption d’innocence est un concept juridique, une règle fondamentale qui prévaut uniquement devant le Tribunal. Évidemment, on ne peut pas empêcher les gens d’avoir des soupçons.
Mais je suis inquiète. Inquiète de constater un peu plus chaque jour depuis une dizaine d’années que la notion de présomption d’innocence, hors de l’enceinte du tribunal, n’a aucune espèce de valeur. Elle est en fait inexistante.
Dès lors qu’une personne est arrêtée, elle est présumée coupable. Non seulement par la population, mais par les médias. Ceci explique cela, d’ailleurs, d’une manière certaine.
Parce que «tout est langage» (Dixit Françoise Dolto), il faudrait cesser de collectivement traiter les suspects et les prévenus en coupables. A fortiori dans les affaires de meurtre, puisque le meurtre est toujours, sauf très rares exceptions, jugé par un jury c’est-à-dire par des citoyens, des justiciables, des individus qui auront baigné dans cette présomption de culpabilité non seulement eu égard au crime à juger mais à tous les crimes qui font la manchette depuis qu’ils ont l’âge d’entendre et de lire.
Paul Laplante emporte-t-il son secret dans sa tombe? Peut-être. Mais surtout : peut-être pas. Et il existe une règle sacrée selon laquelle un accusé est présumé innocent jusqu’à preuve hors de tout doute raisonnable qu’il ne l’est pas. Le suicide est-il un aveu de culpabilité? Non. Et peut-on avoir un peu de respect pour les morts? Est-ce trop demander?
Le respect d’un mort jadis accusé n’implique pas l’irrespect d’une victime jadis son épouse.
C’est assez lassant de toujours devoir préciser, quand on défend les droits de personnes accusés, de toujours devoir expliquer, justifier, rassurer. Se défendre soi-même. Non, prendre la défense des droits d’un accusé, contrairement aux postulats du parti Conservateur du Canada et autres Pierre-Hugues Boisvenu, ne veut pas dire qu’on n’a pas d’empathie pour les victimes et les familles des victimes.
Je suis avocate de la défense. Je présume, même après sa mort, que Paul Laplante était innocent. Je n’en demande pas tant à la population, mais je souhaite qu’on ne présume pas qu’il fût coupable. Et j’attends des médias qu’ils en fassent autant.
Un peu triste comme premier billet sur le blogue du Voir, mais c’est ce qui marque le début de l’année 2011 en matière d’actualité judiciaire québécoise et c’est ce que j’entends faire ici : Commenter l’actualité judiciaire dans la perspective du droit criminel, et avec ma lunette d’avocate de la défense; vulgariser les notions de droit pénal qui circulent et qui sont mal comprises; rendre accessibles des concepts qui paraissent ténébreux; remettre les pendules à l’heure de la justice criminelle d’une société démocratique.
Au plaisir de vous lire aussi.
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