vendredi 1 juillet 2011

Affaire DSK - Coup de théâtre.



Coup de théâtre dans l’affaire Dominique Strauss-Kahn : le procureur du ministère public remet en doute la crédibilité de son seul témoin, la plaignante, dans cette cause d’agression sexuelle.
Dans la foulée de cette information, de nombreuses erreurs sont lues et entendues dans les médias traditionnels comme dans les médias sociaux.
 J’entendais d’ailleurs à l’instant à RDI l’animatrice dire que ce sont « Les avocats de la victimes » qui ont révélé ces incohérences dans ses déclarations antérieures.
Qui est l’avocat de qui? Qu’est-ce qu’une plaignante? Pourquoi des mensonges anciens sur d’autres sujets sont-ils graves?

D’abord, l’avocat du ministère public, le « District Attorney », n’est pas l’avocat de la plaignante.  C’est le ministère public.  Il est l’avocat de l’État.  Du peuple.  Voilà pourquoi les causes américaines sont répertoriées « People vs. DSK ».  Le District Attorney est l’équivalent du Procureur de la Couronne au Québec, désormais appelé Procureur aux poursuites criminelles et pénales.  L’équivalent au Canada anglais, en Angleterre et en Australie du « Crown prosecutor ». 
On peut aussi dire, bien que les transpositions soient difficiles dans le système français, qu’il s’agit de l’équivalent du Parquet.
Les avocats de Stauss-Kahn sont les avocats de l’accusé.  Ceci ne pose pas de problème de compréhension entre les différents systèmes.

L’avocat de la plaignante, il n’a rien à faire dans la procédure pénale.  Elle a embauché un avocat en vue d’une poursuite civile j’imagine, parallèle ou ultérieure, mais cet avocat n’a aucun rôle à jouer en matière criminelle.  Il n’existe pas.
Je l’ai déjà écrit sur ce blogue, je le répète, il n’y a pas de partie civile dans un procès criminel en Common Law.  La victime n’est pas représentée, elle est un témoin.  Elle est, en l’espèce, le témoin principal de Ministère public.
Les doutes du Ministère public sur les allégations de la plaignante
C’est l’avocat du ministère public qui a exprimé des doutes quant à la véracité des allégations de la plaignante.
Dans une lettre adressée aux avocats de Dominique Strauss-Kahn, le District Attorney a exposé plusieurs éléments qui mettent en doute la crédibilité de la plaignante de manière large.  Elle aurait menti, entre autres, concernant un viol collectif qu’elle aurait subi dans le passé.
Ces informations ont été communiquées par le ministère public à la défense parce que dans le système de Common Law, la divulgation complète de la preuve que possède le poursuivant à la défense est obligatoire.  Encore une fois, le procureur de l’État représente le peuple et la justice, il n’a pas de cause à gagner, et il doit tout divulguer à la défense, même les éléments de preuve disculpatoires.
Pourquoi est-ce si grave?
Parce que le ministère public a lui seul le fardeau de faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé.  Dominique Stauss-Kahn en l’occurrence. 
Si son témoin principal n’est pas crédible, la cause est quasiment perdue d’avance.  Comment faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé quand le témoin principal est un menteur.
En Common Law, la poursuite présente sa preuve.  Imaginons le procès de Dominique Strauss-Kahn où la poursuite présente une plaignante qui, visiblement, ment à tout vent.
La défense n’étant pas obligée de présenter quelque preuve dans un procès en Common Law, pas même le témoignage de l’accusé, il y a peu de chances qu’un jury soit d’avis que le ministère public a fait la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l’accusé avec ce témoignage peu digne de foi
Aussi, s’il y a eu parjure devant le grand jury par la plaignante, elle s’expose à une peine de prison[1]. 
Les accusations contre Dominique Strauss-Kahn seront-elles abandonnées?
Il est toujours possible de penser qu’un jury pourrait décider que, malgré son manque de crédibilité à certains égards, la plaignante a quand même été victime d’une agression sexuelle.
Je doute cependant de la continuité des procédures dans un contexte où le représentant du ministère public n’a lui-même plus confiance en son principal témoin.  Mais ça reste techniquement possible.




[1] Une peine maximale de 14 ans au Canada.  Suite à une revue rapide de la jurisprudence, je dirais que la peine moyenne pour un parjure au Canada est de 12 mois de prison.


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