Illustration: Delf Berg: http://illustrationjuridique.blogspot.com/
Tania Pontbriand fait face à trois chefs d’accusation en vertu des articles 153 (1) a), 153 (1) b) et 271 du Code criminel canadien, c’est-à-dire exploitation sexuelle et agression sexuelle.
Son procès est commencé et reprendra le 28 novembre prochain.
Tania Pontbriand est accusée d’exploitation et d’agression sexuelle non pas pour avoir forcé un adolescent à avoir avec elle des relations sexuelles non désirées. Elle est accusée d’exploitation et d’agression sexuelle pour avoir eu des relations sexuelles consensuelles avec un adolescent alors qu’elle était en situation d’autorité.
J’ai déjà abordé la question dans un billet intitulé « La majorité sexuelle ou l’âge légal du consentement », mais il semble que les notions soient encore bien mal comprises dans la population.
L’âge du consentement sexuel est fixé à 16 ans au Canada. À 16 ans, un adolescent peut consentir à des relations sexuelles avec un adulte, quelque soit l’âge de cet adulte, pour autant qu’il n’y ait pas de rapport hiérarchique entre eux, de rapport d’autorité, de rapport de confiance.
À l’époque où Tania Pontbriand a entretenu avec son élève une relation amoureuse –car c’est bien ce dont il s’agit, d’une relation amoureuse, qu’on soit d’accord ou pas, qu’on trouve la dame étrange ou pas; ces deux-là ont eu une liaison amoureuse, les photos sont patentes. À l’époque où Tania Pontbriand a entretenu avec son élève une relation amoureuse, donc, l’âge du consentement sexuel était fixé à 14 ans. Il y a eu depuis lors une modification au Code criminel augmentant à 16 ans l’âge légal pour faire l’amour avec une personne majeure.
Mais cette modification de 14 ans à 16 ans ne change rien dans cette histoire puisque la professeure, suivant la théorie de la poursuite, était en situation d’autorité.
Les tribunaux concluent à une situation d’autorité suivant les circonstances de chaque affaire*. Ainsi, un voisin n’est pas a priori en situation d’autorité eu égard à un adolescent mais peut le devenir si, par exemple, il a gardé cet enfant, s’il a été son entraîneur etc.
Par contre, un professeur, un entraîneur, à moins de circonstances exceptionnelles, sera presque toujours considéré comme ayant été en situation d’autorité par rapport à l’adolescent, même si c’est l’été et qu’il n’y a plus d’école*.
Il serait alors difficile, mais pas impossible, que Tania Pontbriand démontre qu’elle n’était pas en situation d’autorité à l’époque des faits reprochés. Le contexte pourra servir, et le comportement du jeune homme aussi.
Reste alors la question de l’âge. Mais à l’époque où les faits se sont déroulés, l’âge du consentement sexuel était de 14 ans, et le plaignant dans cette affaire n’avait pas moins de 14 ans, ce qui légitimerait la relation sexuelle, toujours dans l’optique où le rapport d’autorité est évacué.
Même si aujourd’hui la majorité sexuelle est fixée à 16 ans, et que le jeune homme avait 15 ans à l’époque, les lois pénales n'étant pas rétroactives.
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Illustration: Delf Berg |
On se demande sur bien des tribunes si le jeune homme a vraiment pu être traumatisé par cette aventure avec sa professeure. On y lit que, pour le jeune homme, sa prof n’a pu qu’être un trophée de chasse dont il devrait être fier. On se demande s’il n’a pas porté plainte pour évacuer sa colère d’avoir été abandonné par son amoureuse. On se demande si un jeune homme, obligatoirement, doit se sentir victorieux d’avoir réussi à séduire une belle prof d’éducation physique.
Ces commentaires et questionnements ne me choquent pas. Ils ne me choqueraient pas plus s’il s’agissait d’une adolescente et d’un prof de 30 ans. On parle quand même d’une relation qui a duré près de deux ans… Une rupture, ça fait mal. Chercher un coupable à sa douleur peut soulager, car la colère fait tellement moins mal que le chagrin.
Ceci dit, ces commentaires et questionnements sont bien peu pertinents, légalement, à moins que leurs réponses démontrent clairement qu’il n’y avait aucun lien d’autorité entre Tania Pontbriand et le plaignant au moment des faits, malgré son statut d’enseignante. C’est n’est pas impossible. Peu probable, mais pas impossible.
Mary-Kay Létourneau et Vili Fualaau |
On se souvient de Mary-Kay Létourneau, femme mariée de 34 ans, qui avait fait la manchette aux États-Unis pour avoir eu des rapports amoureux, et sexuels, avec son élève de 13 ans. Au Canada, situation d’autorité ou pas, un adulte ne peut pas, et ne pouvait pas à l’époque, coucher avec un jeune de 13 ans.
On se dit assez facilement que cette dame était certainement immature et probablement givrée pour être tombée amoureuse d’un élève de 13 ans. Quoi qu’il en soit, ils ont eu deux enfants pendant sa détention, et se sont mariés à sa sortie de prison. Ils ont aujourd'hui 27 et 48 ans, sont toujours ensemble, ce qui donne envie de demander: de quoi nous sommes-nous mêlés, bonnes gens?
Dans une affaire où le point central du litige serait le rapport d’autorité, une affaire comme celle de Mary-Kay Létourneau démontre bien que tout est question de contexte, et qu’on ne devrait pas conclure à un rapport de force, ou à un abus de confiance, dès lors que le protagoniste le plus âgé porte un titre supérieur.
Sentence
En ce qui concerne le crime d'exploitation sexuelle, une peine minimale de 45 jours de prison est prévue. Une peine minimale implique que le juge n'a pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. En cas de condamnation sur le chef d'exploitation sexuelle, donc, Tania Pontbriand ira assurément faire un séjour en prison.
Par contre, s'il n'est plus possible aujourd'hui de bénéficier d'une peine de prison dans la collectivité pour les crimes contre la personne, dont l'agression sexuelle, cette règle n'existait pas à l'époque et Tania Pontbriand bénéficiera du principe de non rétroactivité des lois pénales.
Aussi, je vois mal comment Tania Pontbriand pourrait être déclarée coupable à la fois sur les chefs d'accusation d'exploitation sexuelle et sur les chefs d'accusation d'agression sexuelle, puisqu'on ne peut pas être condamné doublement pour les mêmes gestes.
Toujours dans l'éventualité d'une condamnation, je lui souhaite donc celle de l'agression sexuelle (et un retrait des accusations sur les chefs d'exploitation sexuelle), afin qu'elle puisse éviter les 45 jours à la prison Tanguay, et bénéficier d'une peine de prison en société.
*R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171
Billet plus récent sur le sujet: «Il était beau comme un enfant, fort comme un homme».