Si Omar Khadr rapatrié arrive au Québec, il n’ira pas à la «prison de Sainte-Anne-des-Plaines», contrairement à ce qu’on vient tout juste d’entendre dans un bulletin de nouvelles, mais au Centre régional de réception, un pénitencier qui se trouve à Sainte-Anne-des-Plaines.
C’est vrai que ça peut être mêlant, puisqu’il y a quatre pénitenciers à Sainte-Anne-des-Plaines, mais aucune prison.
Billet éducatif
Il y a au Canada deux types d’établissements de détention. Ceux qui relèvent de la province, c'est-à-dire du ministère de la Sécurité public du Québec et qu’on appelle des prisons, et ceux qui relèvent du fédéral, c’est-à-dire des Services correctionnels du Canada, et qu’on appelle des pénitenciers.
PRISONS
Les prisons provinciales reçoivent tous les prévenus ainsi que les condamnés à une peine de moins de deux ans. Les prévenus sont ceux et celles qui attendent leur procès, ou leur sentence. Pendant tout le processus judiciaire jusqu’au prononcé de la peine, les incarcérés sont des prévenus, et ils sont emprisonnés dans une prison provinciale, séparés des détenus déjà condamnés, quel que soit le type de crime pour lequel ils sont accusés.
Il y a de nombreuses prisons au Québec. Bordeaux et Rivière-des-Prairies à Montréal; Orsainville à Québec. Il y a aussi une prison dans chacune des villes suivantes, prison qui porte le nom de la ville. Amos, Baie-Comeau, Chicoutimi, Hull, New-Carlisle, Rimouski, Roberval, Percé, Sherbrooke, Sorel, Trois-Rivières.
Pour les femmes, on parle encore ici des femmes prévenues ou des détenues ayant reçu une peine de moins de deux ans, il y a la prison Tanguay à Montréal, et le Secteur féminin de la prison d’Orsainville à Québec.
On aura compris qu’une femme prévenue est détenue à soit à Tanguay soit à Orsainville. Si elle est accusée d’avoir commis un crime à Sept-îles, ou à Gaspé, et que les procédures s’étirent en longueur, elle voyagera beaucoup en fourgon cellulaire. Mais en général, les prévenus québécois sont «barrouettés». J’ai actuellement un client détenu à Rivière-des-Prairies alors que son procès est à Val-d’Or. Comme avocat, on n’y peut pas grand-chose, l’hébergement est tributaire de la surpopulation du moment.
Enfin, il y a dans chaque palais de justice un quartier cellulaire (le bullpen) où les détenus attendent de monter en salle d'audience les jours où leur présence à la Cour est requise.
PÉNITENCIERS
Les pénitenciers fédéraux, encore une fois, reçoivent uniquement les personnes condamnées à une peine de plus de deux ans. Ces pénitenciers sont classés selon le degré de dangerosité des détenus qu’ils accueillent.
Sécurité maximale
Les pénitenciers à «sécurité maximum» au Québec sont Donnacona, Port-Cartier, et l’Unité spéciale de détention à Ste-Anne-des-plaines, ce dernier étant un «super maximum» où les résidents restent en cellule 23h sur 24, soit parce qu’ils sont dangereux, soit parce qu’ils nécessitent une protection accrue.
Sécurité modérée
Les pénitenciers à «sécurité médium» sont Archambault à Sainte-Anne-des-Plaines, Cowansville, Drummond, La Macaza, etLeclerc à Laval.
Sécurité minimale
Le Centre fédéral de formation à Laval, l’Établissement Montée-St-François à Laval (appelé aussi «B16»), l’Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines à Ste-Anne-des-plaines sont des pénitenciers à «sécurité minimum». Les détenus peuvent y être hébergés dès le début de leur peine (après leur passage au Centre régional de réception), ou encore y être transférés après avoir fait preuve d’un bon comportement, voire d’une réhabilitation, dans un autre pénitencier. Au Centre fédéral de formation, les détenus peuvent étudier, soit pour compléter une formation générale entreprise avant d’être condamnés, soit pour apprendre un métier.
Sécurité multiple
L'établissement de Joliette est le seul pénitencier pour femmes au Québec, on parle alors d'un pénitencier à sécurité multiple puisque toutes les détenues s'y trouvent quel que soit leur degré de dangerosité. Mais attention à ce qu'on voit dans les téléromans, on n'y mélangera pas une cultivatrice de cannabis de 19 ans sans antécédents avec une meurtrière sadique de 45 ans. On ne verra pas non plus les détenues s'auto-médicamenter allègrement comme si elles vivaient en colocation.
Il y a aussi, et enfin, mais j’aurais pu commencer par lui puisque c’est le premier que tous les détenus fédéraux visitent : le Centre régional de réception, à Sainte-Anne-des-Plaines, qui est aussi un pénitencier à sécurité multiple puisqu’il reçoit tous les détenus masculins en attente de «classement» quant au niveau de sécurité dont ils ont besoin, et en attendant qu’on vérifie dans quel pénitencier ils peuvent ou ne peuvent évoluer, selon leur type de criminalité, selon leur appartenance à un clan ennemi etc. En langage correctionnel, on parle d’antagonistes. On n’envoie pas un détenu à Cowansville si on sait qu’il s’y trouve des dizaines de personnes qui veulent sa mort.
Le Centre régional de réception est donc une escale obligée en vue de classement. Dès qu’un juge prononce une peine de deux ans ou plus, le condamné sait qu’il va passer quelques mois, (je leur dis toujours de compter environ une saison), au Centre régional de réception à Sainte-Anne-des-Plaines, qu’il vienne de Baie-Comeau ou de Mégantic ou qu'il se soit vu imposer une peine de 30 mois ou une peine à perpétuité.
C’est donc là qu’irait Omar Khadr si on l’amènait au Québec. C’est dans la ville de Sainte-Anne-des-Plaines, mais ce n’est pas l’établissement Sainte-Anne-des-Plaines.